vendredi 23 novembre 2012

Capitalisme financier, management et décadence

J'ai estimé qu'il était de mon devoir de prendre beaucoup de peine pour aboutir finalement à une conclusion paradoxale : le capitalisme est en voie d'être tué par ses réussites mêmes.”

Cette sentence de l'économiste Joseph Schumpeter dans son ouvrage Capitalisme, socialisme et démocratie, publiée en 1942, prend une résonance toute particulière aujourd'hui.

Le capitalisme financier, devenu un Deus ex Machina incontrôlable, détruit lentement mais sûrement toute structure sociale en inversant les valeurs. En effet, l’économie n’est plus au service de l’homme, l’homme est même devenu son esclave.

La Mise à mort du travail, est un documentaire exceptionnel de Jean-Robert Viallet (2009) qui nous plonge au coeur des méthodes de management actuelles.

Voici donc une vidéo essentielle qui permet de comprendre comment nous avons pu en arriver là.


Joe Kovskee (http://joekovskee.blogspot.fr/) a laissé quelques lignes au sujet du cas Schumpeter que je ne mets pas dans la rubrique commentaires, mais sous la vidéo.

À encore plus long terme, Schumpeter partage avec Marx l’inévitabilité du déclin et de la fin du capitalisme. Il partage avec le philosophe allemand la notion de concentration du capital issu du succès des grandes entreprises. Ils soutiennent tous deux qu’apparaîtra un sentiment d’hostilité chez les travailleurs envers les dirigeants d’entreprises, simple administrateurs à la solde des rentier-capitalistes qui sont véritablement propriétaires. Les causes de la fin du capitalisme sont endogènes pour les deux penseurs. Mais Schumpeter se distingue sur le point qu’il ne croit pas qu’une masse populaire puisse organiser un plan d’action cohérent pour renverser le capitalisme et mener à terme le socialisme. Ce n’est pas avec la classe prolétaire mais plutôt avec celle des intellectuels qu’il annonce la mort du système capitaliste. Ce dernier exhorte la formation de cette classe grâce au progrès du système éducatif. La logique Schumpétérienne prévoit ainsi la surproduction des intellectuels en dépit des besoins nécessaires aux professions libérales. Ces intellectuels en surnombre, déconsidérée de valeur marchande, donc peu rémunérés, auraient tout intérêt à s’opposer au discours de l’esprit d’entreprise, de l’argent en général et du capitalisme au sens large. On appréhende la suite subséquente du point de vue Schumpétérien :

«Le capitalisme se sclérose ainsi progressivement de l'intérieur, pour des raisons sociales et politiques, au fur et à mesure que des majorités démocratiquement élues choisissent de mettre en place une économie planifiée accompagnée d'un système d'État-providence et de restriction des entrepreneurs. Le climat intellectuel et social nécessaire à l'esprit d'entreprise et d'innovation, et donc à l'apparition d'entrepreneurs, décline et finit par être remplacé par une forme ou une autre de socialisme, encore plus sclérosant. Les gouvernements ont alors notamment tendance, pour être populaires, à développer l'« État fiscal » et à transférer le revenu des producteurs vers les non-producteurs, décourageant l'épargne et l'investissement au profit de la consommation, ce qui crée une pression inflationniste croissante. Dans toutes décisions, les gouvernements démocratiquement élus ont alors tendance, pour garantir leur réélection, à privilégier le court terme au détriment du long terme[9]».
 

Tout pessimiste qu’il est, Schumpeter n’aime pas la vision d’avenir qu’il soutient. Il croit sincèrement que la libre concurrence capitaliste est le meilleur système économique qui soit. Néanmoins, il n’a aucune idée sur comment éviter sa dégradation jusqu’au socialisme. C’est la critique centrale de Schumpeter sur le système économique qu’il privilégie ; le capitalisme s’autodétruira éventuellement car il correspond à un cycle économique encore plus grand que celui des technologies et qu’à long terme la grande entreprise « étouffe toute velléité d'imagination ». Imprégné d’une bureaucratie croissante, de gestionnaires et de technocrates, la grande entreprise encourage la recherche de carrière stable, de salaire régulier, de conditions de travail et de statuts sociaux avantageux, ce qui conduit à raisonner en termes de concurrence comparative entre salarié et non en termes de concurrence absolue comme c’est le cas chez les entrepreneurs prêts à prendre des risques. 
" Le capitalisme ne peut poursuivre sa marche en avant qu'à condition que perdure l'esprit des entrepreneurs qui seul fait sa force[10]".



1 commentaire:

  1. (...) À encore plus long terme, Schumpeter partage avec Marx l’inévitabilité du déclin et de la fin du capitalisme. Il partage avec le philosophe allemand la notion de concentration du capital issu du succès des grandes entreprises. Ils soutiennent tous deux qu’apparaîtra un sentiment d’hostilité chez les travailleurs envers les dirigeants d’entreprises, simple administrateurs à la solde des rentier-capitalistes qui sont véritablement propriétaires. Les causes de la fin du capitalisme sont endogènes pour les deux penseurs. Mais Schumpeter se distingue sur le point qu’il ne croit pas qu’une masse populaire puisse organiser un plan d’action cohérent pour renverser le capitalisme et mener à terme le socialisme. Ce n’est pas avec la classe prolétaire mais plutôt avec celle des intellectuels qu’il annonce la mort du système capitaliste. Ce dernier exhorte la formation de cette classe grâce au progrès du système éducatif. La logique Schumpétérienne prévoit ainsi la surproduction des intellectuels en dépit des besoins nécessaires aux professions libérales. Ces intellectuels en surnombre, déconsidérée de valeur marchande, donc peu rémunérés, auraient tout intérêt à s’opposer au discours de l’esprit d’entreprise, de l’argent en général et du capitalisme au sens large. On appréhende la suite subséquente du point de vue Schumpétérien :

    «Le capitalisme se sclérose ainsi progressivement de l'intérieur, pour des raisons sociales et politiques, au fur et à mesure que des majorités démocratiquement élues choisissent de mettre en place une économie planifiée accompagnée d'un système d'État-providence et de restriction des entrepreneurs. Le climat intellectuel et social nécessaire à l'esprit d'entreprise et d'innovation, et donc à l'apparition d'entrepreneurs, décline et finit par être remplacé par une forme ou une autre de socialisme, encore plus sclérosant. Les gouvernements ont alors notamment tendance, pour être populaires, à développer l'« État fiscal » et à transférer le revenu des producteurs vers les non-producteurs, décourageant l'épargne et l'investissement au profit de la consommation, ce qui crée une pression inflationniste croissante. Dans toutes décisions, les gouvernements démocratiquement élus ont alors tendance, pour garantir leur réélection, à privilégier le court terme au détriment du long terme[9]».


    Tout pessimiste qu’il est, Schumpeter n’aime pas la vision d’avenir qu’il soutient. Il croit sincèrement que la libre concurrence capitaliste est le meilleur système économique qui soit. Néanmoins, il n’a aucune idée sur comment éviter sa dégradation jusqu’au socialisme. C’est la critique centrale de Schumpeter sur le système économique qu’il privilégie ; le capitalisme s’autodétruira éventuellement car il correspond à un cycle économique encore plus grand que celui des technologies et qu’à long terme la grande entreprise « étouffe toute velléité d'imagination ». Imprégné d’une bureaucratie croissante, de gestionnaires et de technocrates, la grande entreprise encourage la recherche de carrière stable, de salaire régulier, de conditions de travail et de statuts sociaux avantageux, ce qui conduit à raisonner en termes de concurrence comparative entre salarié et non en termes de concurrence absolue comme c’est le cas chez les entrepreneurs prêts à prendre des risques. « Le capitalisme ne peut poursuivre sa marche en avant qu'à condition que perdure l'esprit des entrepreneurs qui seul fait sa force[10]».

    http://joekovskee.blogspot.ca/2012/02/la-vertu-romantique-au-coeur-du-succes.html

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