vendredi 30 novembre 2012

Chine, écocide et terres rares



Les terres rares regroupent un ensemble de métaux rares comme l'yttrium, indispensable pour la fabrication de leds et de lasers ou le dysprosium. Le prix du dysprosium, un métal de numéro atomique 66, très utilisé dans l'industrie aéronautique, a, par exemple, vu son prix passer de 103 dollars/kg en janvier 2008 à 2830 dollars/kg en juillet 2011.
Les métaux rares, indispensables à la haute technologie sont donc au coeur de conflits géostratégiques.
Pour fabriquer un smartphone, il faut extraire les métaux rares d'une tonne de terre environ.

Source : Globe

Pour l'industrie du High Tech, la fête est terminée et les processus d’innovation doivent enfin intégrer le poids des ressources, un très gros coup de frein en perspective.

D'après le United States Geological Survey (USGS), l'Institut d'études géologiques des États-Unis, la Chine détiendrait plus de 50% des réserves mondiales d'oxydes de terres rares. Mais c'est surtout la production qui pose problème, car là, le monopole de la Chine est total avec plus de 97 % de la production mondiale en 2011, soit 130 000 tonnes.


Le 8 avril 2012, Su Bo, vice-ministre de l'Industrie et des Technologies de l'information, lors de la fondation de l'Association chinoise des terres rares avait déclaré :
« Il faut injecter sept ou huit tonnes de sulfate d'ammonium dans le sol pour extraire une tonne d'oxyde, ces liquides toxiques vont résider longtemps et les conséquences seraient épouvantables si l'eau souterraine était polluée ».
Le Quotidien du Peuple indiquait ainsi que "d'après les estimations préliminaires, le rétablissement de l'environnement coûtera 38 milliards de yuans à la ville de Ganzhou". Un chiffre a comparer avec "le bénéfice de 6,4 milliards de yuans des 51 entreprises du secteur de la province du Jiangxi" directement liées à l'exploitation des terres rares autour de Ganzhou.
Nous le percevons clairement, le coût écologique est largement supérieur aux bénéfices.
Source : Le Quotidien du Peuple en ligne

Ce sont donc 910 000 tonnes de sulfate d'ammonium, un mélange de sels d'ammonium et d'acide sulfurique, clairement identifié comme agent mutagène dangereux (voir source) qui ont été déversés sur les sols chinois en 2011.
Source (Item 11 - toxicité) : Sulfate d'Ammonium

Il est d'ailleurs incroyable que l'additif E517 (Sulfate d'ammonium) soit utilisé comme agent de traitement des farines à moins de s'inspirer du chant X de l'Odyssée d'Homère...

La prise en compte du facteur environnemental par les autorités chinoises initiée par la pression populaire est un tournant décisif. Les émeutes de Qidong et Shifang en juillet 20012, Ningbo en octobre 2012, toutes liées à des problèmes de pollution ou d'implantation d'usines chimiques, démontre le ras le bol de la population chinoise.
  
La sale guerre des terres rares est un excellent documentaire de Guillaume Pitron, sur un sujet essentiel, dont on parle peu.





jeudi 29 novembre 2012

L'économie chinoise dans le creuset


Après avoir fait un petit topo de la situation américaine, je vais aborder le cas chinois.
Cette série de graphiques et d'analyses sera regroupée in fine au sein d'une étude complète.


La Chine est frappée de plein fouet par la crise, le prix des denrées alimentaires et le chômage ont explosé. Emeutes de la faim, grèves, conflits, fleurissent un peu partout sur l'ensemble du territoire chinois.
La Chine a officiellement reconnu 80.000 «incidents de masses» (des émeutes et manifestations) en 2007, un chiffre qui est passé à 
120 000 en 2008 avec le début de la crise.


Or, il n faut pas perdre de vue qu'avec 20 millions de nouveaux arrivants par an à intégrer dans le marché de l'emploi, la Chine a l'obligation de dépasser les 7% de croissance chaque année, le seuil minimum. 



On le voit, la Chine s'approche dangereusement des 7% qui est pour ma part la limite de rupture.
Au T4 (2012),  la Chine, malgré les commandes de Noël, devrait frôler cette limite.
  
D'ailleurs, ce ralentissement de l'économie chinoise est clairement perçu par les marchés et le Shanghai Stock Exchange (SSE), l'indice qui regroupe toutes les valeurs cotées à la bourse de Shanghai,  s'effondre totalement.

Source : zonebourse

Le mur des 1700 points (crise de 2008) sera franchi en 2013 ainsi que le point de rupture des 7% de croissance. Elle devrait atteindre le chiffre de 5% au T4 2015.

vendredi 23 novembre 2012

Capitalisme financier, management et décadence

J'ai estimé qu'il était de mon devoir de prendre beaucoup de peine pour aboutir finalement à une conclusion paradoxale : le capitalisme est en voie d'être tué par ses réussites mêmes.”

Cette sentence de l'économiste Joseph Schumpeter dans son ouvrage Capitalisme, socialisme et démocratie, publiée en 1942, prend une résonance toute particulière aujourd'hui.

Le capitalisme financier, devenu un Deus ex Machina incontrôlable, détruit lentement mais sûrement toute structure sociale en inversant les valeurs. En effet, l’économie n’est plus au service de l’homme, l’homme est même devenu son esclave.

La Mise à mort du travail, est un documentaire exceptionnel de Jean-Robert Viallet (2009) qui nous plonge au coeur des méthodes de management actuelles.

Voici donc une vidéo essentielle qui permet de comprendre comment nous avons pu en arriver là.


Joe Kovskee (http://joekovskee.blogspot.fr/) a laissé quelques lignes au sujet du cas Schumpeter que je ne mets pas dans la rubrique commentaires, mais sous la vidéo.

À encore plus long terme, Schumpeter partage avec Marx l’inévitabilité du déclin et de la fin du capitalisme. Il partage avec le philosophe allemand la notion de concentration du capital issu du succès des grandes entreprises. Ils soutiennent tous deux qu’apparaîtra un sentiment d’hostilité chez les travailleurs envers les dirigeants d’entreprises, simple administrateurs à la solde des rentier-capitalistes qui sont véritablement propriétaires. Les causes de la fin du capitalisme sont endogènes pour les deux penseurs. Mais Schumpeter se distingue sur le point qu’il ne croit pas qu’une masse populaire puisse organiser un plan d’action cohérent pour renverser le capitalisme et mener à terme le socialisme. Ce n’est pas avec la classe prolétaire mais plutôt avec celle des intellectuels qu’il annonce la mort du système capitaliste. Ce dernier exhorte la formation de cette classe grâce au progrès du système éducatif. La logique Schumpétérienne prévoit ainsi la surproduction des intellectuels en dépit des besoins nécessaires aux professions libérales. Ces intellectuels en surnombre, déconsidérée de valeur marchande, donc peu rémunérés, auraient tout intérêt à s’opposer au discours de l’esprit d’entreprise, de l’argent en général et du capitalisme au sens large. On appréhende la suite subséquente du point de vue Schumpétérien :

«Le capitalisme se sclérose ainsi progressivement de l'intérieur, pour des raisons sociales et politiques, au fur et à mesure que des majorités démocratiquement élues choisissent de mettre en place une économie planifiée accompagnée d'un système d'État-providence et de restriction des entrepreneurs. Le climat intellectuel et social nécessaire à l'esprit d'entreprise et d'innovation, et donc à l'apparition d'entrepreneurs, décline et finit par être remplacé par une forme ou une autre de socialisme, encore plus sclérosant. Les gouvernements ont alors notamment tendance, pour être populaires, à développer l'« État fiscal » et à transférer le revenu des producteurs vers les non-producteurs, décourageant l'épargne et l'investissement au profit de la consommation, ce qui crée une pression inflationniste croissante. Dans toutes décisions, les gouvernements démocratiquement élus ont alors tendance, pour garantir leur réélection, à privilégier le court terme au détriment du long terme[9]».
 

Tout pessimiste qu’il est, Schumpeter n’aime pas la vision d’avenir qu’il soutient. Il croit sincèrement que la libre concurrence capitaliste est le meilleur système économique qui soit. Néanmoins, il n’a aucune idée sur comment éviter sa dégradation jusqu’au socialisme. C’est la critique centrale de Schumpeter sur le système économique qu’il privilégie ; le capitalisme s’autodétruira éventuellement car il correspond à un cycle économique encore plus grand que celui des technologies et qu’à long terme la grande entreprise « étouffe toute velléité d'imagination ». Imprégné d’une bureaucratie croissante, de gestionnaires et de technocrates, la grande entreprise encourage la recherche de carrière stable, de salaire régulier, de conditions de travail et de statuts sociaux avantageux, ce qui conduit à raisonner en termes de concurrence comparative entre salarié et non en termes de concurrence absolue comme c’est le cas chez les entrepreneurs prêts à prendre des risques. 
" Le capitalisme ne peut poursuivre sa marche en avant qu'à condition que perdure l'esprit des entrepreneurs qui seul fait sa force[10]".



mercredi 21 novembre 2012

Les États-Unis, rois du pétrole dès 2020




Le désastre social américain !



La plupart des journaux mettent en avant la baisse du nombre de chômeurs aux USA. Cependant, ils n'analysent pas ces chiffres qui révèlent une autre réalité.
En effet, le chômage baisse car des millions d'américains ont dépassé la durée maximale de perception des allocations chômage. Ils ne perçoivent donc plus ces allocations et disparaissent des statistiques.
La plupart des Etats américains versent une allocation chômage (State Unemployment Insurance Benefits) pour une durée maximale de 26 semaines alors que la durée moyenne de chômage est de 40,2 semaines !
"Benefits can be paid for a maximum of 26 weeks in most States" dans le document ci-dessous à la section benefits..
Source : United States Department of Labor

Pour bien percevoir l'ampleur du désastre social américain, le graphique de la durée moyenne du chômage est éloquent, une belle exponentielle (en rouge) !


Source : FED of St Louis research

Depuis le mois de juillet, ce chiffre est en constante augmentation (+ 1 semaine en deux mois).

Tout va donc mieux et je remercie mes confrères journalistes de la presse écrite pour leur remarquable travail. Encore un petit effort et il ne se vendra plus de journaux bientôt.

D'ailleurs, selon l'USDA,  le département de l’Agriculture des États-Unis chargé de l'alimentation et de l'agriculture, 15% des ménages américains étaient en insécurité alimentaire en 2011.





Source graphique page 12/37 : USDA

47 millions de  personnes bénéficiaient de coupons alimentaires (Food Stamps) au mois d'août 2012, avec, là aussi, une belle exponentielle :









lundi 19 novembre 2012

Immobilier US, dette et finance !


10,7% des crédits immobiliers sont susceptibles de ne pas être remboursés (septembre 2012) en Espagne (182 milliards d'euros). Les USA connaissent exactement le même problème, mais avec des montants autrement plus importants.

Le taux des crédits immobiliers non remboursés aux USA est en effet de 10,77% (Q3-2012) :



Source : St Louis FED Reseach

Les crédits immobiliers représentent  5 222 milliards de dollars aux USA et l' OCC, l'organisme gouvernemental de contrôle des banques, avance même le chiffre de 11,3 % (crédits immobiliers non remboursés, 88,7 % current and performing page 13/70) au deuxième trimestre 2012.
Source : Office of the Comptroller of the Currency

Les pertes sur ces crédits sont évaluées à plus de 400 milliards de dollars. Mais ce n'est pas tout, ces prêts immobiliers ont donné lieu a une vaste titrisation, un procédé qui transforme les dettes en titres financiers.
Les ABS (asset-backed security) créés par titrisation reposent ainsi pour une grande part sur les crédits hypothécaires. En cas de défaut de l'emprunteur, l'intégralité de l'obligation n'est pas remboursée, de vastes pertes pour les banques en perspective...

Plus grave encore, une partie des titres de dettes basés sur des prêts bancaires appelés Collateralised Loan Obligation (voir CDO) vont partir en fumée. Il est intéressant de savoir que ces CDO représentent plusieurs centaines de milliards de dollars dans le monde, dont une grosse partie aux USA. De plus, le lien entre ces CDO dits synthétiques et les fameux CDS (Credit Default Swap) est le parfait exemple de ce que la finance peut faire pour gagner de l'argent vers l'infini et au-delà. La banque de France met en ligne un pdf qui explique le fonctionnement de ces CDO, un document qui nous révèle les arcanes des banques d'affaires :

"S’agissant des opérations non financées, le CDO est adossé intégralement à des CDS et équivaut à un panier de CDS. La capacité du véhicule à indemniser l’initiateur en cas d’événement de crédit dépend alors de la solvabilité des acquéreurs du CDO. Enfin, dans le cas le plus fréquent des opérations partiellement financées, le transfert de risque aux investisseurs s’opère pour partie via des CDS et pour partie par émission de titres de créance (cf. schéma ci-dessous). Ces montages comportent généralement un CDS d’un montant notionnel important par rapport aux tranches émises, appelé swap « super senior » car il bénéficie de la subordination de la tranche senior et constitue ainsi la partie de la structure la mieux immunisée contre les pertes. Le swap engendre néanmoins un risque de contrepartie et, de ce fait, est contracté avec une entité très bien notée (en général un assureur spécialisé dans la couverture du risque de crédit, appelé « monoline », ou une banque de premier rang). Le principal attrait de ce genre de montage pour les banques cédantes qui y ont recours réside dans le fait qu’il permet d’amples transferts de risque de crédit et, partant, d’importantes économies de fonds propres, à un coût bien moindre que celui des CDO financés, grâce à une réduction substantielle du montant des tranches à placer auprès des investisseurs. En outre, l’achat de protection par le biais d’une tranche super senior se révèle bien moins coûteux (10 points de base de prime) que la rémunération servie sur une tranche senior de notation 
AAA (Euribor + 50 b), du fait de la préférence des contreparties super senior (et, notamment, des assureurs « monoline ») pour assumer le risque de crédit sans le financer."


Source page 5/21 : Banque de France (encadré 2)

Assumer le risque de crédit sans le financer, le problème est là, car, en cas de gros souci, les montants en jeux sont tellement énormes qu'il ne reste plus que l'état pour assumer. Vous comprenez mieux pourquoi le gouvernement fédéral US accroit sa dette de plus de 100 milliards de dollars par mois. D'ailleurs, le QE3 a été déclaré illimité dans le temps par Ben Bernanke lui-même.
Ceux qui pensent que la régulation en cours va résoudre le problème se trompent lourdement, car, je cite le comité de Bâle, « Les CDS par tranches et les CDS offrant une protection contre les pertes au énième défaut ne sont jamais admissibles. C’est, en particulier, le cas des instruments liés à une note de crédit et des positions de premières pertes. »

Le 28 septembre 2012, L' ISDA, l'Association Internationale des Swaps et Dérivés avait d'ailleurs mis en garde le Basel Committee on Banking Supervision (BCBS) ainsi que l' International Organization of Securities Commissions (IOSCO) au sujet de leur projet d'accroître les fonds propres sur produits dérivés. Elle n'allait  d'ailleurs pas par quatre chemins, et affirmait que de "telles demandes de liquidité pourraient causer une énorme pression sur le marché des liquidités avec la potentialité d'une dislocation significative de l'économie générale". "Such demands on liquidity could cause enormous pressure on market liquidity with the potential for significant dislocation to the general economy"dans le texte.

Source : ISDA 
   
Ce rapport est une bombe à lui seul, pourtant, ce que l'ISDA ne dit pas, c'est que les produits dérivés fonctionnent selon un schéma de Ponzi, c'est à dire que les nouveaux contrats permettent d'effacer les pertes, ce qui a conduit à l'exponentielle actuelle (632 000 milliards de dollars).
Pour résumer, il faut financer la dette et cela représente des montants tels, qu'exiger des fonds propres auprès des organismes financiers en couverture des CDS est impossible, à moins de les ruiner définitivement.
Tout le système repose sur la dette, car, sans elle, pas de consommation et sans consommation, pas de travail.


Pour rappel, le Monoline FSA, numéro quatre mondial des rehausseurs de crédit ou monoline (filiale de la banque franco-belge Dexia) a essuyé des pertes énormes entraînant Dexia dans le rouge.
Le lundi 8 novembre 2010, le monoline Ambac Financial, l'assureur obligataire américain,  s'était inscrit sous protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites aux Etats-Unis.
Ambac garantissait pour 700 milliards de dollars de ces instruments de dettes à comparer aux 400 milliards de dollars (selon les analystes d'IFR, un service de Thomson Reuters) de Lehman Brothers dont la faillite, le 15 septembre 2008 avait donné le coup d'envoi de la crise actuelle.
MBIA (NYSE: MBI) , le premier monoline sur le marché mondial est en grande difficulté et son titre s'effondre totalement. Que se passera-t-il lorsque les monolines feront faillite ?

Source : Zonebourse

Derrière la catastrophe financière se déroule un véritable drame humain.
1 237 025 procédures de saisies immobilières ont été comptabilisées aux USA au deuxième trimestre 2012.


Source page 49/70 : Office of the Comptroller of the Currency

Le chiffre à retenir est celui de 101 735, celui du nombre d'expulsés de leur maison (completed foreclosures page 50/70) soit 1118 expulsions par jour !

Le nombre de SDF aux USA n'est pas près de diminuer. Par exemple, le nombre de SDF à New York est passé de 28 700 en mars 1987 à 46 600 en août 2012 dont 19 000 enfants.

Source : http://www.coalitionforthehomeless.org/pages/basic-facts





jeudi 15 novembre 2012

L'économie mondiale en chute libre !



Pour mesurer le niveau des prix (un indice des prix en économie) du transport maritime de matière sèches, on utilise le BDI ou Baltic Dry Index.

Cet indice est un excellent indicateur de la future production industrielle. En effet, les matières sèches de cet indice concernent les minerais, les céréales, le ciment par exemple, autant de produits de base qui seront dans un proche avenir transformés.
Sur le graphique ci-dessous, 3 décrochages sont à noter. Le premier est directement lié à la crise initiée en septembre 2008 (faillite de Lehman Brothers), les deux autres prouvant que l'économie mondiale connaît une grave crise et que les problèmes ne sont pas résolus, loin de là !



 

L'indice de la pâte à papier, Northern Bleached Softwood Kraft ou NBSK, est lui aussi un excellent indicateur. Il nous démontre à son tour que l'économie mondiale rechute lourdement malgré les milliers de milliards injectés en pure perte.




mercredi 14 novembre 2012

Bilan des contrats sur produits dérivés



Les contrats sur produits dérivés représentaient 638 928 milliards de dollars en juin 2012 dans le monde selon la BRI (BIS en anglais), la Banque des règlements internationaux, la banque centrale des banques centrales pour résumer.
26 931 milliards de dollars concernaient les seuls CDS, les fameux Credit default swaps qui ne font pas partie des couvertures admises au titre de l’exigence de fonds propres mises en place par Bâle III.

Les produits dérivés représentent donc plus de 9 fois le PIB de la planète au sein d'une finance interconnectée. La faillite d'un acteur majeur (le fameux risque systémique) entraînerait par effet domino le reste de l'industrie financière et signerait alors, la fin de l'économie.


Source : BRI

En mars 2012, l'Isda (International Swaps and Derivatives Association) a estimé qu'il y a eu "évènement de crédit" en Grèce et a donc déclenché les hostilités.
Les banques détenant ces CDS ont été obligées de provisionner leurs fonds propres. Le Crédit Agricole par exemple n'en a pas fini avec ses problèmes...
Pour rappel, plus de 150 milliards d'euros d'obligations sont en jeu !


Source : Reuters

Cependant, ce que ne dit pas Reuters, c'est que les petits malins qui ont parié contre la Grèce se sont littéralement gavés. La fête continue, pour le moment...


La guerre au coeur du capitalisme


La guerre joue un rôle clé dans notre système économique, elle est l'arme absolue qui lui permet de survivre.
Pour ceux qui en doutent, voici quelques données :

Source : Fed of St Louis research

On peut constater que le taux de chômage aux USA qui avait atteint le pic de 20 % le 1 juin 1938, disparaît totalement (0,24 % le 1 juin 1942) au cours de la seconde guerre mondiale. En effet, les USA sont entrés en guerre en 1941 suite à l'attaque de Pearl Harbor.
Contrairement aux idées reçues, ce n'est pas le New Deal, la fameuse politique Keynésienne de Roosevelt, qui a permis aux USA de sortir de la crise économique provoquée par le krach de 1929, mais bel et bien la guerre.

En plaçant la banque et surtout l'intérêt au coeur du système, on finit par créer ce que l'on appelle en mathématiques des exponentielles.


                Placement de 100 000 dollars au taux de 4% sur 100 ans : y = 100000 x (1,04 puissance 100)

Une exponentielle tend vers l'infini et on comprend mieux pourquoi l'économie possède un fonctionnement cyclique illustré par Nikolaï Kondratiev.
C'est pour cette raison que tous les vingt-cinq à trente ans (1789 - 1815 – 1848 – 1870 - 1914 – 1939 - 1971), il faut remettre les compteurs à zéro, rôle qui est dévolu aux révolutions et surtout aux grandes guerres (première et seconde). Or, avec les bombes atomiques, à moins d'un suicide collectif, le processus est brisé. Ainsi, le système financier international mis en place par les accords de Bretton Woods en 1944, plaçant le dollar comme monnaie de référence a totalement implosé le 15 août 1971. Le président Nixon, imposa la fin de la convertibilité du dollar par rapport à l'or. Les économistes n'ont d'ailleurs pas compris à l'époque que ce n'était pas seulement le déclin des USA qui débutait, mais, la fin de tout notre système économique basé sur la dette. Le système, pour survivre, devait de façon virtuelle accroître sans cesse la masse monétaire, un rôle dévolu à la finance. On a donc décorrélé l'argent de toute réalité physique pour le faire lentement glisser dans le domaine du virtuel.

Une fois atteint le point de rupture, les dépenses militaires explosent (exponentielle en rouge) avec, pour les USA, le chiffre  hallucinant de 834,6 milliards de dollars (Q3 2012). :



Il est d'ailleurs intéressant de comparer les dépenses militaires des USA avec celles du reste du monde :

Source : SIPRI

Lorsque l'on parle de notre système économique, personne ne pense au rôle majeur de la guerre : la soupape de sécurité du système. Il serait peut-être grand temps d'inventer une autre façon de vivre ensemble qui ne se résume pas à vendre, acheter et s'entretuer.

« Jamais dans l'histoire telle que nous la connaissons, l'homme n'a été autant qu'aujourd'hui un problème pour lui-même. » Max Scheler

jeudi 8 novembre 2012

Too big to fail, are you sure ?




Voici un extrait (page 15) du rapport de l'OCC (office of the comptroller of the currency) l'organisme de contrôle des banques dépendant du trésor US.
Ce rapport fait un état des lieux sur les contrats de produits dérivés (tous les trimestres) détenus par les banques aux USA.
On apprend ainsi que les contrats sur produits dérivés aux USA représentent 222 trillions de dollars ou 222 000 milliards de dollars, 3 fois le PIB de la planète (70 000 milliards de dollars US).

Cependant, le plus extraordinaire n'est pas là. En effet, plus de 207 375 milliards de dollars de ces contrats sont détenus par 4 banques dont 69 238 milliards détenus par JP Morgan Chase.
Comment réguler de tels montants ? Surtout, que se passerait-il si un de ces organismes financiers faisait faillite ?
Près de 13 000 milliards de ces contrats concernent les fameux CDS (+ de 12 000 milliards pour les 4 principales banques), les métastases du système (Credit Derivatives page 8/37 du rapport OCC ci-dessus) qui doivent se retrouver sur les lignes de compte des banques en cas de défaillance (ils sont hors bilan).

Bâle II et III n'apportent aucune réponse puisque « pour ce qui est de déterminer les couvertures admises au titre de l’exigence de fonds propres en regard du risque d’ajustement de valorisation sur actifs (CVA), les dispositions de Bâle III indiquent que « les CDS par tranches ou qui offrent une protection contre les pertes au énième défaut ne sont pas des couvertures CVA éligibles. » (document Bâle III, paragraphe 99, portant ajout d’un paragraphe 103 dans l’annexe 4 du dispositif de Bâle).
Et, je cite le comité de Bâle, « Les CDS par tranches et les CDS offrant une protection contre les pertes au énième défaut ne sont jamais admissibles. C’est, en particulier, le cas des instruments liés à une note de crédit et des positions de premières pertes. »

mercredi 7 novembre 2012

Bernard Lietaer : crise financière et problème monétaire




Bernard Lietaer est un économiste belge peu connu, pourtant, sa carrière est à tous points de vue remarquable. Il fut un des créateurs de l'euro, professeur à l'université Berkeley, directeur de la banque nationale de Belgique entre autres. Spécialiste mondialement reconnu des problèmes monétaires, il a écrit deux livres clés: The future of Money en 2002, puis, en 2011, Au cœur de la monnaie. Systèmes monétaires, inconscient collectif, archétypes et tabous.
Un intellectuel incontournable pour ceux qui veulent penser le problème monétaire.







mardi 6 novembre 2012

Place du gaz conventionnel et non conventionnel dans la stratégie énergétique mondiale




Source : Le Maghreb, le quotidien de l'économie

Le monde entre dans une phase de bouleversements majeurs. Or, envisager une stratégie énergétique sur le long terme impose d'identifier et d'analyser clairement les problèmes. L'impact de la crise économique mondiale, l'incertitude sur le dollar, les risques géostratégiques, un marché du gaz en pleine mutation avec le développement des GNL et des gaz de schiste, le New Deal écologique, ont déstabilisé le commerce du gaz qui est désormais à la recherche d'un nouveau modèle économique.

I-Impact de la crise économique mondiale



Le rapport 2009 sur l'énergie de l'AIE, le World Energy Outlook 2009, a démontré que la demande mondiale de gaz a baissé de 9% au premier semestre 2009 et l'on sait aujourd'hui que la demande globale pour l'année 2009 a chuté de plus de 5 %. D'après Cediga, la croissance devrait réapparaître en 2010 dans une fourchette située entre +1,8% et +2,4%.
Le prix du gaz a ainsi baissé de près de 20% sur l'année 2009 une évolution inverse au prix du baril de pétrole (+25%). Chakib Khelil, avait également indiqué que le prix actuel du gaz naturel à 4 dollars sur le marché spot, n'était "pas viable" pour les producteurs.
Cela est fondamental pour l'Algérie puisque le gaz brut (GN et GNL) représente environ un tiers (1/3) de la valeur en devises de ses exportations. Or, il faut noter que la crise économique ne fait que commencer et l'injection massive de liquidités qui a grandement atténué les effets économiques de la crise financières sont en train de ruiner les Etats (ratio dette/PIB de 100% pour les USA et la France en 2011 selon le FMI). Le risque systémique induit par les produits financiers sophistiqués (produits dérivés) qui représentent 444 000 milliards de dollars actuellement d'après la BRI n'est donc pas résolu et d'ailleurs, le marché immobilier US est en pleine déliquescence avec 11 600 saisies immobilières par jour et un effondrement de l'immobilier commercial. Les produits dérivés (logique assurantielle de ces produits comme les CDS) représentent un grand danger pour l'économie mondiale. Un krach majeur n'est donc pas à exclure. Quoi qu'il en soit, la croissance de la demande de gaz dans les prochaines années sera compromise.

II- Risques géostratégiques

 
41% des réserves mondiales se trouvent localisées au Moyen-Orient, une zone de conflits permanents. N'oublions pas que l'Iran détient 16% de ces mêmes réserves et l'incertitude pèse sur la réaction d'Israël en ce qui concerne la montée en puissance du programme nucliaire iranien  L'Union européenne quand à elle, importé actuellement 60% de son gaz et a pour objectif essentiel d'éviter les risques liés aux incertitudes géostratégiques mondiales comme l'ont révélé les conflits russo-ukrainiens. La quasi-rupture d'approvisionnement en gaz russe de plusieurs pays d'Europe, survenue début janvier 2006 et surtout en janvier 2009 ont révélé la faible sécurité énergétique de l'Europe. L'Europe, ayant pour objectif principal d'accroître sa sécurité énergétique, a mis en place différents projets :
- le gazoduc de la Baltique, Nord Stream (Nord de l'Europe, gaz acheminé en Allemagne) qui devrait fournir, 55 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an dès 2013. Gérard Mestrallet le président de GDF Suez indiquait clairement que "Nord Stream est un élément clé de la sécurité d'approvisionnement (pour l'Europe), sans aucun pays de transit".
- le gazoduc South Stream dès 2015, qui  devrait relier la Russie au Sud de l'Europe. Ce gazoduc devrait avoir une capacité de 63 milliards de mètres cubes de gaz par an passant sous la mer Noire vers l'Autriche, la Bulgarie et l'Italie.
- le gazoduc Nabucco alimenté par le gaz de la mer Caspienne, reprenant une partie du tracé du gazoduc Bakou - Tbilissi - Erzeroum et rejoignant l'Europe continentale par la Turquie. Sa mise en service devrait être effective en 2014.


Christian Stoffaës, président du conseil du Centre d'études prospectives et d'information internationale (Cepii) dans son rapport sur le sujet pour le compte du Conseil d'analyse stratégique préconise de plus la création d'une centrale d'achat européenne reprenant les souhaits exprimés par Nicolas Sarkozy dans son discours du 05 mai 2009 : "Je veux porter l'idée d'une centrale européenne d'achat du gaz pour que l'Europe ait une vraie force de négociation face à ses fournisseurs." Au cœur de cette politique de réduction des risques se trouve aussi le renforcement du partenariat euro-méditerranéen dont les structures Femip (facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat) et Meda (fonds d'aide européen) devraient relancer le processus de Barcelone.  Le projet d'intégration progressive des marchés maghrébins de l'électricité dans le marché européen (IMME) s'inscrit dans le cadre de ce partenariat euro-méditerranéen initié par le processus de Barcelone (1995) et par le Forum Euro-méditerranéen (1997). Il été au centre des discussions de la réunion de Tunis du 26 mars 2010, un dispositif qui devrait permettre là-aussi de mettre l'accent sur la filière gaz dans le processus de production d'électricité.


La compagnie Sonatrach est le deuxième exportateur de gaz naturel liquéfié (GNL), de gaz de pétrole liquéfié (GPL) et le troisième exportateur de gaz naturel (GN) en Europe grâce notamment à ses projets de gazoducs, le Medgaz, reliant l'Algérie à l'Espagne et le Galsi qui la relie à l'Italie, pour approvisionner l'Europe avec une capacité exportée de gaz passant de 62, en 2009, à 85 milliards de mètres cubes en 2012. 
Le gazoduc Trans-Saharan Gas Pipeline (TSGP) serait en ce qui le concerne, destiné à acheminer 20 à 30 milliards de m3 de gaz naturel du Nigeria vers l'Europe via l'Algérie et le Niger à partir de 2015. On le constate ici, l'Union européenne représente un " débouché naturel du gaz algérien ".
L'Algérie se retrouve donc au cœur du dispositif de sécurité énergétique européen et du partenariat euro-méditerranéen. De plus, le développement de la production du gaz de schiste en Europe devrait faire partie de ce plan d'ensemble (approfondissement ci-dessous). Il ne faudrait cependant pas oublier le problème posé par le dollar en tant que devise internationale, un dollar dont la fragilité et la fluctuation engendre de l'instabilité pour le marché de l'énergie. La bourse de Kish créée par l'Iran pour vendre des produits énergétiques dans toutes les devises sauf en dollars en est l'illustration. Face aux incertitudes concernant l'euro et le yuan, la solution pour ma part devrait être trouvée dans le cadre d'une multipolarité monétaire, un panier de monnaies donc à l'exemple des DTS (Droits de Tirages Spéciaux).

III-New deal écologique

 
Tout d'abord, il convient de constater le déficit de communication en ce qui concerne le gaz qui doit être considéré comme une énergie de transition indispensable avant la mise en place d'une énergie totalement " propre ". En effet, le gaz, comme tous les combustibles fossiles, lors de sa combustion rejette du dioxyde de carbone mais dans une proportion moindre : 55 kg par gigajoule de chaleur produite, contre 100 pour le charbon et 75 pour le pétrole. Remplacer les centrales à charbon par de nouvelles fonctionnant au gaz permettrait donc de diviser par deux leurs émissions. Développer les transports en commun avec des véhicules fonctionnant au GNV (Gaz Naturel Véhicule cousin du GPL) serait aussi souhaitable. Au Brésil et en Argentine, plus de 2 millions de véhicules fonctionnent avec cette énergie. Développer des véhicules hybrides fonctionnant au gaz naturel permettrait d'améliorer le rejet de polluants dans l'atmosphère. Plus important encore, il faudrait tenir compte des émissions totales du gaz (de l'extraction au brûleur) qui seraient encore plus faible par rapport à ses concurrents. 


De plus, il ne favorise pas les pluies acides (pas d'oxyde de soufre), dégage très peu d'oxyde d'azote (Nox), le tout sans poussières et avec un entretien moindre. Les centrales électriques et surtout les cimenteries devraient utiliser en priorité du gaz. La filière nucléaire, hormis l'indépendance énergétique a donc très peu d'arguments. En 2006, au niveau mondial, plus de 30 % de l'électricité était produite à partir de gaz naturel. Et ce chiffre devrait exploser. Nous nous orientons donc vers un nouveau modèle de consommation énergétique. Selon les estimations de l'AIE, la réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) concernant l'énergie hors OCDE représenterait un surcoût évalué entre 85 milliards de dollars par an (période 2010-2030) et 230 milliards selon le taux de réduction choisi (limitation de CO2 à 550 parties par million ou bien 450 ppm). D'ailleurs, la Banque Mondiale a défini pour priorité de promouvoir la commercialisation du gaz naturel dans les pays partenaires pour les dix prochaines années. De nombreuses structures ont été mises en place comme le Fonds pour l'environnement mondial (FEM), le Mécanisme de développement propre (MDP) et surtout, les Fonds d'investissement climatique (FIC) dont le principal, le Fonds pour les technologies propres (FTP) qui a pour objectif de réduire les émissions de GES à long terme. Les prêts du Groupe de la Banque mondiale au secteur énergétique ont ainsi explosé passant de 2,4 milliards de dollars (période 2000-2004) à 7,55 milliards (2009).

IV-Un marché du gaz en pleine mutation

 
L'industrie du gaz connaît à l'heure actuelle un bouleversement sans précédent ce qui  explique que le marché mondial du gaz a connu de grands changements en une courte période. Il faut tout d'abord savoir que la Russie, l'Iran et le Qatar détiennent tous trois près des 2/3 des réserves mondiales de gaz naturel avec respectivement 27 %, 15 % et 14 % du total. La nouvelle stratégie énergétique de la Russie jusqu'en 2030 initiée par Vladimir Poutine vise à augmenter la production de gaz naturel de 885 à 940 milliards de mètres cubes. La Russie possède un potentiel colossal en matière d'efficacité énergétique et d'économie d'énergie et surtout de production de gaz. Les fuites de gaz en Sibérie sont estimées à 10 % de la production, ce qui représente l'équivalent de la consommation annuelle de la France.  De plus, le projet de développement du champ gazier géant de Chtokman (mer de Barents) qui possède des réserves correspondantes à: " l'équivalent de soixante-dix ans de consommation française " devrait encore accroître la production russe. La mise en œuvre de ce plan devrait faire décoller les exportations nettes de gaz dans les prochaines années contrairement à ce qu'affirment certains analystes.


Cependant, en 2009, les Etats-Unis sont devenus le premier producteur mondial de gaz naturel devant la Russie.Les nouvelles techniques d'extraction du gaz naturel emprisonné dans les roches de schiste ont connu un développement fulgurant depuis environ trois ans aux Etats-Unis, où elles représentent environ 20% de la production, et pourraient en représenter la moitié d'ici 20 ans, selon les experts. Ces gaz étaient inexploitables mais deux innovations techniques ont bouleversé la donne : le forage horizontal et la fracturation hydraulique des roches, et, dès les années 1998 la production a commencé. Les réserves mondiales  de gaz de schiste représenteraient près de 900 téramètres cubes, selon l'Institut français du pétrole, plus de quatre fois les ressources de gaz conventionne. La production de gaz de schiste représente déjà environ la moitié des besoins américains. En 2020, cette part pourrait être portée à 60%, voire 100% comme l'affirme une note de Gazprom. Selon les estimations de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), les Etats-Unis ont produit (en 2009) 624 milliards de mètres cubes de gaz (Mdm3) soit +3,7% sur un an et la Russie 582 Mdm3 (-12%) et ce essentiellement grâce au gaz de schiste. De plus, selon le dernier rapport de la US Energy Information Administration, les énergies renouvelables ont représenté 11 % de la production américaine en 2009, supérieure à l'énergie nucléaire. 

  
Le solaire devrait représenter 10% de l'électricité produite et, pour l'énergie éolienne, les USA sont désormais les plus grands producteurs au monde (Global Wind Energy Council) avec 20 % de l'électricité devant être produite d'ici 2030 (rapport du DOE, ministère de l'Energie américain), contre 3% aujourd'hui. Les USA devraient donc devenir dans quelques années de gros exportateurs de gaz. L'Europe n'est pas en reste, et, le vice-président de GDF Suez, Jean-François Cirelli, a indiqué mercredi que le groupe français évaluait actuellement le potentiel pour une production de gaz naturel "non conventionnel" en Europe. "De nombreuses études sont réalisées, nous participons à l'évaluation du potentiel de gaz non conventionnel en Europe", a-t-il expliqué. "Nous essayons d'entrer dans cette nouvelle technologie en lançant des partenariat, en particulier avec des sociétés américaines, en Europe". Total est ainsi prêt à explorer les champs de gaz de schiste en Europe, en Allemagne, en Pologne et en France. Ce mercredi 31 mars 2010, Total  a annoncé avoir obtenu un permis d'exploration dans la région de Montélimar. Tony Hayward, le PDG de BP lors du forum de Davos avait déclaré que les gaz non conventionnels comme le gaz de schiste "bouleversent complètement la donne". Depuis 1998 la production du gaz de schiste croît de presque 30% par an et l'Agence internationale de l'énergie écrit dans son "World energy outlook 2009" que ce "boom inattendu (...) devrait contribuer à un important excédent de gaz dans les prochaines années". Quant au "pic gazier", il est reporté aux calendes grecques. Il faut cependant noter l'impact environnemental destructeur des Gaz de schiste qui polluent les nappes phréatiques par injection d'eau contenant des produits chimiques et surtout de diesel. D'ailleurs le mémorandum du Congrès des Etats-Unis du 18 février 2010 dénonce l'exemption de la loi Safe Drinking Water Act (SDWA) de 2005 qui permet aux sociétés d'utiliser des additifs et des produits chimiques dans leur fracture hydraulique, le gazole étant interdit mais largement utilisé (par exemple par Halliburton) et sans contrôles.
Parallèlement à cette montée en puissance de la production de gaz de schistes, l'offre de GNL (gaz naturel liquéfié) qui desserre les contraintes géopolitiques et donne de la souplesse au marché du gaz, explose littéralement. 


Au Moyen-Orient, le Qatar dispose du plus grand gisement de gaz du monde, le North Dome. Il est le premier pays exportateur mondial de GNL et le premier ministre qatari Sheikh Hamad bin Jassim bin Jabor Al-Thani a déclaré : " nous allons pouvoir exporter 77,4 milliards de tonnes de gaz naturel liquéfié par an à partir de 2011 ". Pour rappel, 19,43 milliards de tonnes avaient été produites en 2005.
L'Australie, dont la production totale de gaz devait croître de 8 % en 2009-2010 pour atteindre 47,6 milliards de mètres cubes, et 52,2 milliards en 2010-2011 et le sixième exportateur au monde de GNL, devrait amplifier la production avec 28 millions de tonnes d'exportation prévues en 2014-2015 (contre 17,4 millions en 2009-2010). Il faudra y ajouter les 15 millions de tonnes du projet Gorgon, en Australie de l'Ouest qui pourrait débuter en 2015.  De plus, le Yémen (6,7 millions de tonnes de GNL par an), l'Angola (5 Mt/an), la Norvège (4.2 Mt/an), le Pérou, le Venezuela, vont rejoindre prochainement les rangs des pays exportateurs de GNL.  Face à une baisse de la demande mondiale, l'explosion de l'offre devrait conduire à un effondrement des prix (à moins d'un conflit majeur au Moyen-Orient).  Actuellement, selon les spécialistes, il y a un excédent de capacité de 100 Gm3 de GNL qui ne trouve pas preneur, soit près d'un quart de la capacité mondiale.


J'évalue ainsi pour ma part l'excédent de capacité de GNL sur le marché mondial à 150 Gm3 en 2012, une catastrophe. Un " plan Marshall " de l'énergie devrait s'imposer en coopération avec la Banque Mondiale dont l'axe principal devrait porter sur la disparition des centrales électriques au charbon remplacées par le gaz, la seule énergie de transition valable à l'heure actuelle. L'option nucléaire étant pour ma part un non sens économique et écologique majeur. L'Union internationale du gaz (IGU) doit évoluer dans ses structures car les exportateurs de gaz doivent coordonner leurs projets et surtout ajuster la production de gaz (qui devient anarchique) à la demande mondiale afin de stabiliser les prix et mettre en place des partenariats assortis de Contrats à long terme. 


Certains parlent de la création d'une OPEP gaz (OPEG ?). Apparemment, la Russie serait contre, une question d'indépendance sur le plan énergétique cruciale pour les russes. Mon ami le Docteur Abderrahmane  Mebtoul avait par ailleurs soulevé les difficultés concernant la création d'une OPEP gaz : car  le commerce mondial de gaz naturel est essentiellement transporté par le biais du réseau de gazoducs (72% ) contre 28% pour le transport par tankers de GNL (gaz naturel liquéfié). En raison de la faible proportion de gaz naturel échangée par rapport à la quantité produite, il n'existe pas véritablement de marché global, mais des marchés régionaux, qui possèdent des organisations, une maturité et des filières différentes.
" Il faudrait ajouter la difficulté pour les nations de coordonner leurs politiques énergétiques au regard de l'aspect stratégique de celles-ci. Cependant, chacun ne peut avoir raison seul de son côté et une coordination est nécessaire afin de pouvoir permettre au gaz de jouer le rôle majeur qu'il doit avoir, c'est à dire une énergie de transition.


Le Forum des pays exportateurs de gaz (Fpeg), qui regroupe aujourd'hui les principaux pays gaziers (73% des réserves mondiales et 42% de la production), qui va se réunir le 19 avril prochain à Oran doit maintenant prendre des décisions à la mesure de l'enjeu actuel car c'est toute la filière GNL qui est en danger, ce qui aurait une énorme incidence pour l'économie de nombreux pays dont l'Algérie. Est-ce que cela sera le cas ?  Kofi Annan déclarait ainsi : " La seule voie qui offre quelque espoir d'un avenir meilleur pour toute l'humanité est celle de la coopération et du partenariat. "

dimanche 4 novembre 2012

La dette fédérale des USA vers l'infini et au-delà !

                      

Le casse-tête monétaire lié à la fin de la convertibilité en or du dollar et à l'instauration des "changes flottants" en 1973, a entraîné l'explosion de la dette fédérale des USA.
Cette dette a dépassé les 16 000 milliards de dollars aujourd'hui. Le cap des 100% de dette par rapport au PIB a été franchi en mars 2012 !
Plus intéressant, la courbe est une exponentielle, c'est-à-dire une droite tendant vers l'infini.

Source : Economic Research Federal reserve bank of St Louis

Les USA, qui tournent au rythme hallucinant de plus de 100 milliards de dollars de dette en plus chaque mois, ont mis en place, pour faire face à la crise, ce que l'on nomme les Quantitative easing (QE).  
Un assouplissement quantitatif qui a débuté en 2009., l'année où les USA ont commis l'irréparable : monétiser leur dette. En effet, la Fed (la banque centrale US), le 18 mars 2009, le jour où le dollar est mort, a décidé de racheter ses bons du trésor (monétisation de sa dette), et, le 29 avril 2009, a confirmé qu'elle se portait acquéreuse de 1700 milliards de dollars, soit 12,5% du PIB de titres émis par le privé et d'obligations.
En 2009, la FED a ainsi racheté 80% des bons du trésor US (80% de la dette).


Source : Centre de recherche sur la mondialisation

Après les 2300 milliards de dollars (sur 3 ans) du QE 1 et QE 2, voici l'épisode 3, un épisode sans fin d'après les dernières déclarations du big boss de la Fed Ben Bernanke. Des milliards de dollars vers l'infini et au-delà !
Pas de doute, Superman Bernanke s'est transformé en Buzz l'éclair !

Source : Credit Suisse




samedi 3 novembre 2012

Le problème monétaire : dollar et déficit fédéral

         

Pour illustrer le problème monétaire actuel, rien ne vaut un bon graphique. Il provient du centre de recherche de la FED de St Louis .




Il concerne le déficit (et surplus) fédéral US. On s'aperçoit que la rupture a débuté en 1973. En effet, Richard Nixon avait mis fin à la convertibilité du dollar en or le 15 août 1971, mais c'est le 13 février 1973 que la crise monétaire, qui n'a jamais cessée depuis, a commencé.
Le dollar a donc été dévalué de 10% et, ultime recours pour le sauver, le système monétaire international adoptait les "changes flottants".
Il est à noter que le coût de la guerre du Vietnam estimé à environ 140 milliards de dollars (près de 1000 milliards de dollars actuels) a accéléré le processus de putréfaction du dollar.

Le fameux choc pétrolier de 1973 est la résultante de la fin du système de Bretton Woods. La crise de 1973 est donc avant tout une crise monétaire.

vendredi 2 novembre 2012

Un "non système" monétaire

 

Ce blog étant nouveau, je vais reprendre quelques analyses essentielles qui permettront, je l'espère, d'avoir une vue d'ensemble de la crise systémique actuelle. En effet, seule une analyse holistique peut permettre d'y voir clair.
Après avoir développés dans ma précédente étude les bouleversements liés à la crise, nous allons aborder ici le fameux problème monétaire.
 
En juillet 1944, les USA imposaient au monde le dollar comme monnaie de référence. C’était la mise en place de la charte monétaire dite de Bretton Woods.
Or, il faut le rappeler, le dollar était à l’époque convertible en or (35 dollars l’once). Jacques Rueff, économiste, et surtout clairvoyant, avait alors déclaré que c’était pour le monde « le secret d’un déficit sans larmes. »
Puis, par étapes successives, le dollar a cessé d’être convertible en or (1971), pire encore, il est devenu « flottant » (1973), c'est-à-dire déconnecté de toute réalité économique. John Connally, secrétaire au trésor, déclarait ainsi en 1971: « Le dollar est notre monnaie, mais c'est votre problème. »
Cerise sur le gâteau, on a abandonné le système de change fixe par les accords de Kingston de janvier 1976.

Georges Pompidou qui a travaillé à la banque Rothschild de 1954 à 1962 (donc un spécialiste des questions monétaires) avait à l’époque donné un bon aperçu de la situation :
« il n’y a pas de système monétaire international valable sans parités fixes ». Nous nous sommes donc peu à peu acheminés vers un « non système monétaire ». Une étude récente de la banque mondiale a ainsi démontré que nous avons eu 176 crises monétaires depuis 1971.
Comment les USA ont-ils pu maintenir ce système si longtemps ? Par la violence, bien sûr.
Thomas Friedman conseiller spécial de la secrétaire d’État Madeleine Albright sous l’administration Clinton avait été très explicite :
« La main cachée qui tire les ficelles du marché a besoin d’un poing caché pour être efficace. McDonald’s ne saurait prospérer sans McDonnell Douglas... Et le poing caché qui assure un monde propice au développement des technologies de la Silicon Valley, c’est l’armée, les forces aériennes, la Marine et le Marine Corps américain ».
Source : Thomas Friedman, The Lexus and the Olive Tree : Understanding Globalization, Farrar, Strauss and Giroux, New York, 1999, p. 373.

Milton Friedman a pour sa part promu les taux de change flottants dès 1953 dans son article « The Case for Flexible Exchange Rates ». Il affirmait à l’époque qu’il fallait laisser les marchés déterminer la valeur des monnaies nationales. Cette vision anarcho-capitaliste de l’économie s’est diffusée partout dans le monde grâce à l’école de Chicago mais surtout au travers de la Société du Mont-Pèlerin . Pascal Salin, ancien président de cette société, économiste et philosophe écrivait à l’époque :
« Dans une période où le marxisme et l'interventionnisme étatique dominaient les esprits, Friedman a joué, à contre-courant, un rôle absolument irremplaçable. » Irremplaçable en effet car il a contribué à détruire l’économie mondiale après 176 crises monétaires !
Ceux qui recherchent les coupables, feraient mieux de regarder de ce côté, l’idéologie libertarienne a été une catastrophe que nous payons très cher aujourd’hui. 

Face au vide institutionnel, la finance a donc pris le dessus et la valeur de chaque monnaie a été déterminée par les marchés, une application directe des idées libertariennes de Milton Friedman qui a obtenu un prix Nobel d’économie en 1976.
James D Grant membre du CFR dans une discussion avec Paul Volcker (directeur du conseil pour la reconstruction économique) et Lawrence Summers (responsable actuel du conseil économique d’Obama), le 23 mai 2007, a dit :
« le dollar est basé sur la foi, nous émettons 850 milliards de dollar par an…Donc quelqu'un pense-t-il que c'est …(inaudible)». J’aime beaucoup la censure discrète (inaudible !). Nous sommes au mois de mai 2007 et ils savent que le système va dans le mur.


Nous connaissons la suite, une montagne de dette pour soutenir les USA, ce qui s’apparente à une taxe impériale, et nous avons laissé « circuler 1000 fois plus d’argent qu’il n’existe d’actifs sous-jacents » comme l’affirme Pierre Pascalon dans son étude pour l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques :« Il faut un véritable Bretton Woods II »).
Or, le 18 mars, le jour où le dollar est mort , la FED (banque centrale US) a décidé de racheter des bons du trésor, ce qui revient à monétiser la dette.
Igor Panarin ancien expert des USA au KGB enfonce le clou en déclarant : «Le dollar n'est garanti par rien. » Le journal russe Izvestia affirme quant à lui : « La dette étrangère du pays a grandi comme une avalanche; c'est une pyramide, qui doit s'effondrer.» Source : Bloomberg.com du 25 novembre 2008.
Nous le voyons, notre système monétaire basé sur le dollar n’est plus viable.

Le problème de la monnaie est donc au cœur de cette crise et vous avez remarqué que j’insiste lourdement sur ce point car les solutions qui seront « trouvées » seront d’ordre monétaire. J’ai expliqué dans de nombreux articles que les monnaies nationales étaient en phase avancée de destruction (dollar, livre sterling par exemple) et que de nouvelles monnaies continentales (dollar nord-américain, Acu pour l’Asie, Sucre pour l’Amérique du sud, l’Arabo lancé par le Conseil de Coopération du Golfe), virtuelles dans un premier temps, étaient en train de naître. Ainsi, nous assistons à la destruction des nations écartelées entre de grands pôles continentaux d’une part et des régions d’autre part. Des monnaies complémentaires apparaissent comme les comptes Hour gérés par la Bank of Ithaca dans l’état de New York par exemple. Le dollar s’effondre donc et avec lui l’Empire US car le cœur économique du monde s’est déplacé vers l’Asie (Chine et Inde).
Le 19 février, le quotidien du peuple (People’s Daily) annonçait que « la Chine autorisait les pays en déficit commercial avec elle à produire des obligations en yuans (et non en dollars). »
Elle a de plus signé un accord avec l’Argentine lui permettant de payer en yuan et « a conclu des accords d’échange de devises d’une valeur totale de 95 milliards de dollars, avec la Malaisie, la Corée du Sud, Hong Kong, la Biélorussie, l’Indonésie, et maintenant l’ Argentine ». Source : China Economic Review du 31 Mars 2009.
L’AFP, le 26 mars, a affirmé « qu’un groupe d'experts de l'ONU dirigé par l'économiste américain Joseph Stiglitz a préconisé un nouveau système monétaire international pour remplacer l'actuel, basé sur le dollar. Un nouveau système monétaire international, ressemblant à des droits de tirage spéciaux (DTS) très élargis » La Chine a enfoncé le clou en proposant que les droits de tirage spéciaux (DTS ou SDR en anglais) puissent jouer le rôle « de monnaie de réserve supra-souveraine.»
Georges Soros a confirmé :  « la monnaie américaine pourrait finalement être remplacée comme devise mondiale de réserve, éventuellement par les Droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international ». Source : Reuters du 06 avril 2009.

Les DTS ont été créés en 1966 par le FMI en complément des réserves officielles des pays membres, c’est un droit qui permet de « tirer » des devises. Les DTS sont déterminés en fonction d’un panier de valeur de 4 monnaies : le dollar, l’euro, le yen et la livre sterling. Il manque donc le yuan et le rouble.
Or, le 28 mars 2009, l’agence Reuters nous apprend que « la Russie est favorable à une extension du droit de tirage spécial (DTS) du Fonds monétaire international afin qu'il inclue le rouble, le yuan et l'or. » Ceci est dans le droit fil des propositions chinoises et confirmé par le Quotidien du peuple du samedi 11 avril.
Certains parlent même d’élargir le système à d’autres monnaies comme Arkadi Dvorkovitch, conseiller économique au Kremlin. Il faut cependant rappeler que le fonctionnement des droits de tirage spéciaux pose problème car il va falloir fixer de nouvelle quotités des monnaies qui constituent un DTS. Voici par exemple le panier de devises composant un DTS en octobre 2005 (Wikipédia) : 0,5770 USD - 0,4260 EUR - 21,000 JPY - 0,0984 GBP.
Les quotités dépendent des quote-parts des membres et vous l’avez deviné, les USA sont majoritaires avec 16, 77% des voix. Que va-t-il se passer lorsque la Russie et la Chine entreront dans le système ? Il faut rappeler que de par son fonctionnement, le droit de tirage spécial favorise celui qui fournit les liquidités et, je le rappelle, les USA sont ruinés (ils devront fournir 100 milliards de dollar pour le plan de relance du G20). La Chine devrait donc logiquement devenir un acteur majeur de cet instrument monétaire.
De plus, il s’agit d’un crédit et il faudra donc payer des intérêts. D’ailleurs, face aux besoins croissants de liquidités et la défaillance prochaine de nombreux états il est à craindre que le FMI ne laisse se développer les droits de tirage de manière anarchique. De nouveaux emprunts obligataires libellés en DTS apparaîtront, du crédit pour résoudre la crise du crédit, ubuesque.

Ce système est appelé à être provisoire et comme l’Ecu, monnaie virtuelle qui s’est transformée en euro, nous aurons dans un premier temps des monnaies continentales (Sucre, Acu, etc) qui deviendront réelles pour, au final, être regroupées au sein d’une monnaie unique mondiale dont plusieurs noms circulent (Global, Phoenix, Terra).

Le problème de l'Europe et donc de l'euro mérite, lui aussi, que l'on se penche sur son cas.

De nombreux économistes mettent actuellement l'accent sur les dangers planant sur l'euro. Je rappelle que la BCE n'émet pas l'euro. Ce sont les banques centrales nationales qui émettent la monnaie. Elles contrôlent donc leur dette nationale. Le système de l'euro est en effet instable (surtout en période de crise) à cause des divergences économiques au sein des différents pays de l'union européenne.
Le 3 février, l'économiste Jean Claude Werrebrouck dans son article publié sur son blog a brillamment résumé la situation :
«La solution serait, en Europe, de contourner la très dangereuse divergence croissante des taux d'intérêt sur la dette souveraine en mutualisant les risques. Ce contournement suppose la création d'une agence commune d'émission faisant disparaître les « spreads ». Mais cela suppose des stratégies de coopération interétatiques aboutissants à des règles contraignantes pour les Etats menacés de dépôt de bilan. »
A vrai dire, cette idée n'est pas nouvelle et l'on peut d'ailleurs remonter à Erik Robert Lindahl qui parlait dejà d'un trésor européen en 1930 et, en 1989, Carlo Ciampi (banquier et 10ème président de la République Italienne) avait fait une proposition qui désirait donner le monopole de l'émission de l'euro à la BCE (proposition Ciampi).
Le rapport Lamfalussy (2004) avait été plus précis et démontrait la nécessité d'un régulateur unique. Un article récent de Bruegel (think tank oeuvrant pour le développement économique de l'Europe) parle ainsi de la création d'un régulateur financier unique en Europe.

Or, l'urgence de la situation nous oblige à créer une « structure de défaisance » nous permettant de racheter les créances douteuses ce qui est pour le moment impossible car nous ne possédons pas un trésor européen. Ceci est confirmé par Anton Brender, chef économiste de la banque Dexia : « Il faut quelqu'un qui achète les dettes, or, même à l'échelle de la zone euro, il n'existe pas de Trésor commun. Voilà toute l'ambiguïté de l'Union monétaire européenne. Elle est dotée d'une même monnaie, mais la Banque centrale européenne ne dispose d'aucune autorité en matière prudentielle vis-à-vis des banques ». Source: Le Figaro.fr du 24.09.08. Plus récemment, l'économiste Michel Aglietta a démontré que le système de l'euro était fragile car il ne pouvait pas (contrairement à la FED) se positionner comme prêteur central en dernier ressort car la BCE n'émettait pas l'euro et possédait peu de fonds propres.

Pourtant, la mise en place de ce trésor européen a toujours été perçue comme politiquement irréalisable. M. Maurice Blin avait ainsi souligné l'impossibilité de créer une autorité internationale unique, chargée de la régulation financière. Source : Sénat (rapport d'information du mercredi 22 mars 2000).
Mais, peu à peu, l'ampleur de la crise a modifié les points de vue. Ainsi, Christian de Boissieu, Professeur d'économie à l'Université de Paris I et Président du Conseil d'Analyse économique auprès du Premier Ministre a ainsi déclaré :
« Du point de vue de la gouvernance, cette crise est apparue comme un nouveau défi pour une Europe en manque d'institutions politiques. » Nicolas Sarkozy a par ailleurs, devant le Parlement de Strasbourg, appelé, « à la lumière de la crise financière », à la création d'un "gouvernement économique clairement identifié" dans la zone euro, travaillant aux côtés de la Banque centrale européenne. Source : Le Point.fr (21/10/2008).

On entend ici où là des voix affirmant que l’Europe va imploser et que la Grèce malgré l’adoption du plan d’austérité sera la première à tomber, suivie de l’Espagne, du Portugal et de l’Italie.
Cela ne se fera pas car tous les pays européens sont interconnectés au sein d’un immense jeu de domino financier, de dettes. En effet, la défaillance de l’un entraînerait obligatoirement les autres dans leur chute.
Pour prouver ceci, rien ne vaut un bon graphique (ci-dessous) qui démontre l’interconnexion européenne des dettes.


 

 
De plus, de grandes banques européennes sont directement exposées en Grèce comme le Crédit Agricole qui est d’après le Wall Street Job Report la banque la plus touchée par la crise !
En août 2006, le Crédit Agricole avait en effet pris le contrôle de 72% de la banque Emporiki ( troisième en nombre d’agence et cinquième par les actifs en Grèce ) pour 2 milliards d’euros. Emporiki avait ainsi, selon Reuters, généré une perte nette de 582,6 Millions d’Euros en 2009, de gros soucis à venir donc !
Selon les statistiques de la Banque des règlements internationaux, en ajoutant l’Espagne et le Portugal, l’exposition des banques françaises grimperait à 306 milliards de dollars, du suicide si l’on abandonnait ces pays !
La seule solution réside donc dans la création d’une « structure de défaisance » nous permettant de racheter les créances douteuses, Une Agence Européenne du Trésor empruntant au nom de l’Europe comme l'annonce Philippe Chalmin Professeur d’économie à Paris Dauphine, membre du Conseil d’analyse économique auprès du Premier Ministre le 8 mai 2010 :
« Aux souverainistes qui tentent de vendre leur soupe anti-européenne à l’occasion de la crise financière, il faut répondre qu’aujourd’hui il ne faut pas moins d’Europe mais plus d’Europe. Dès le début, il a manqué à l’Europe, une gouvernance politique et les outils qui vont avec pour faire de l’Union européenne une entité efficace. L’Europe doit avoir son propre budget, son propre impôt pour intervenir directement sur les problèmes européens. Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne, fait ce qu’il peut mais par exemple, nous n’avons toujours pas de secrétaire au Trésor européen. »
Source : journal La dépêche du 05/08/2010 « Faut-il revenir au franc  ? »

En décembre 2010, Constance Le Grip (députée au parlement européen) et Henri Plagnol (député du Val-de-Marne) ont rendu leur rapport intitulé "Un chemin pour un pilotage économique européen". Source : Rapport de l'Elysée sur la gouvernance économique européenne.
On y apprend que des émissions d'euro-obligation, les fameux eurobonds résoudront la crise de la dette :"La création d'un Trésor européen chargé de gérer en commun les dettes souveraines des états vertueux, serait un signal puissant pour les marchés en même temps qu'une incitation forte à l'autodiscipline en matière budgétaire. Les Etats remplissant les conditions pour bénéficier de ces émissions constitueraient le fameux noyau dur qui manque aujourd'hui pour garantir la cohésion de la zone euro. A moyen terme, l'Eurogroupe doit parvenir à un consensus sur les conditions préalables à l'émission d'euro-obligations qui permettraient de doter l'Union d'une réelle capacité d'emprunt contribuant à l'indispensable relance économique par l'investissement. "  
 
Le FESF, le Fonds européen de stabilité financière puis son remplaçant le MES, le fameux Mécanisme européen de stabilité disparaitront bientôt au profit d'un FME, Fonds monétaire européen qui émettra des euros-obligations et surtout deviendra le prêteur en dernier ressort. 
Tout va bien donc et pour résoudre la crise de la dette, on met en place de nouvelles dettes qui ne résoudront pas le problème clé du chômage.