vendredi 25 janvier 2013

Marx : inventaire avant liquidation



« Tout ce qu’on nous a dit sur le communisme était faux, mais tout ce qu’on nous a dit sur le capitalisme était vrai. »
Cette célèbre blague russe prend tout son sens aujourd'hui.
En effet, les bases théoriques de ces deux « idéologies » se heurtent désormais à la réalité.
La fameuse grande loi du capitalisme de marché repose en effet sur les travaux de Léon Walras, le fameux équilibre général.
Pour justifier le capitalisme de marché on a ainsi inventé un concept totalement théorique : la concurrence pure et parfaite. Le déséquilibre général est ainsi devenu la règle.
Cependant, il est à noter que la concurrence pure et parfaite possède un médiateur imparable : la violence.
Thomas Friedman, conseiller spécial de la secrétaire d’État Madeleine Albright sous l’administration Clinton, avait d'ailleurs résumé l'économie en quelques lignes :
« La main cachée qui tire les ficelles du marché a besoin d’un poing caché pour être efficace. McDonald’s ne saurait prospérer sans McDonnell Douglas... Et le poing caché qui assure un monde propice au développement des technologies de la Silicon Valley, c’est l’armée, les forces aériennes, la Marine et le Corps des Marines américains ». 

Chomsky a repris récemment ceci en affirmant que la guerre au terrorisme et le choc des civilisations étaient des mythes.

Le marxisme est donc pour beaucoup l'alternative à l'échec complet et total du capitalisme de marché. Le modèle marxiste est pourtant lui aussi un modèle idéologique basé sur des erreurs communément admises.
Sa grande loi, la valeur travail, l'antithèse du capital (synthèse : l'intégrisme marchand) est fondée sur le culte de la production.
On cherche donc avec frénésie le lien entre monnaie et travail et l'on tourne en rond dans la recherche d'un équivalent travail.
En effet, en voulant justifier à tout prix l'importance du travail et son exploitation, Marx lia monnaie, échange et équivalent-travail, ne se rendant pas compte que son raisonnement engendrait ainsi une redondance cyclique. Pour simplifier : sans échange/pas de monnaie, sans monnaie/pas d'équivalent-travail, sans équivalent-travail/pas d'échange et on continue en boucle...
Il n'osait pas ainsi aller à la source de la valeur, de l'échange, la psyché, et donc, d'affirmer le rôle particulier de l'inconscient et de la violence.
Chercher le Graal, c'est à dire une mesure de la valeur universelle est une chimère.
La valeur, comme la monnaie, bientôt mondiale, s'inscrivent dans la psyché et le rôle de l'inconscient collectif est la clé de l'analyse.
La grande loi de Marx affirmant que « la valeur d´une chose ne reflète que le temps de travail social investit en elle pour la produire » est ainsi totalement fausse.

Pour le démontrer, voici un petit cours d'économie dans le cadre d'une concurrence non pure et non parfaite, la vraie vie :
- cas 1 : un trafiquant de drogue impose son monopole par la violence dans une région donnée, crée la pénurie et inonde le marché. Plus-value maximale !
- cas 2 : Picasso pouvait vendre une fortune un tableau réalisé en moins d'une heure.

- cas 3  : je possède un logiciel de trading plus rapide que celui de mes concurrents, je m’enrichis à
l’aide d’algorithmes financiers sans travailler, le logiciel tourne tout seul.
- cas 4  : je parie 1 million d’euros à la bourse que le CAC 40 va baisser dans dix jours. Si cela se réalise, jackpot ! Temps de travail, 5 minutes !
- cas 5 : je fais n’importe quoi avec des amis et je poste la vidéo sur YouTube qui fait un malheur ! Jackpot !
- cas 6 : je désire m'emparer du pétrole ou de l'uranium d'un pays. Je l'accuse de terrorisme et j'y envoie mon armée. Le chaos généralisé permet de faire baisser la valeur réelle des matières premières que je peux exploiter comme bon me semble, au prix que je décide et sans contraintes environnementales. Jackpot !
- cas 7 : je fais voter une loi séparant les banques de dépôts et les banques d'investissements. Ce faisant, je ne prends plus de risques dans la création de mes produits dérivés et mets donc en place un processus de socialisation des pertes et privatisation des profits.
- etc, etc, etc...

Les débats entre socialisme et capitalisme n'ont aucun sens. Il
n'y a en effet qu'un seul capitalisme qui est bicéphale : le capitalisme de marché et le capitalisme d'état.

Le "bon peuple" (de gauche ou de droite) est en train de forger ses propres chaînes.

La loi de Pareto (inégalité de répartition des richesses) reste la norme de distribution et cela, quel que soit le système, car, elle a pour base un individu égocentrique et violent. C'est ainsi sa grande force car elle fait entrer le facteur psychologique dans l'analyse économique.
Les exemples de l'ex-URSS et de la Chine le confirment.

Comme je l'ai déjà écrit, pour ceux qui n'ont pas encore compris ce qu'est la dialectique, après avoir eu le capitalisme (la thèse) et le socialisme (l'antithèse) nous aurons bientôt la synthèse : le capitalisme centralisé régulé.

A la suite de Marx sauvera-t-il le capitalisme ?, voici quelques approfondissements nécessaires avant d'aborder le cas du capitalisme centralisé régulé.

Marx a été un grand penseur « assis sur les épaules des géants qui l’ont précédé. » pour reprendre la célèbre phrase de Newton. Tout l'intérêt de l'analyse de la pensée de Marx est tout d'abord d'étudier comment elle a été modifiée et rendue "révolutionnaire".
Le besoin d'avoir un modèle, un héros, imposait en effet de bâtir un mythe, et, pour cela, on a attribué à Marx la paternité de concepts qui ne lui appartenaient pas et que l'on a modifié à posteriori.
La mystification a été telle que Marx lui-même, écoeuré, a déclaré : « Ce qu'il y a de certain, c'est que moi je ne suis pas marxiste ».

Je vais donc étudier ici les deux grands concepts attribués faussement à Marx, leur origine et la preuve de leur transformation pour faire de lui un penseur hors du commun.
Tout d'abord, il convient de rappeler que les concepts de prolétariat, lutte des classes et baisse tendancielle du taux de profits lui ont été faussement attribués.

Nous allons donc poursuivre la réflexion en analysant le concept soi-disant marxiste du 
matérialisme dialectique.

I. Le matérialisme dialectique

Il est étonnant de s'apercevoir que Marx n'a jamais utilisé cette expression. Pour lui, il s'agissait d'une dialectique scientifique, expression que l'on retrouve dans sa critique de Proudhon.
« La nature de Proudhon le portait à la dialectique. Mais n’ayant jamais compris la
dialectique vraiment scientifique, il ne parvint qu’au sophisme.  »

C'est en effet Joseph Dietzgen qui a développé le concept de « matérialisme dialectique » dans son livre L’Essence du travail intellectuel humain (1865) et Engels l’a même avoué à moitié dans son ouvrage Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande (1888) :
« Cette dialectique matérialiste, qui était depuis des années notre meilleur instrument de travail et notre arme la plus acérée fut, chose remarquable, découverte à nouveau non seulement par nous, mais en outre, indépendamment de nous, et même de Hégel, par un ouvrier allemand, Joseph Dietzgen. »

En attribuant la paternité de ce concept à Marx, on le propulsait ainsi dans la sphère des "grands philosophes". Voici comment on construit un mythe.
Il est de plus remarquable de constater que Marx s'appuie à ce point sur la dialectique sans en connaître la véritable origine.
En effet, Hegel, le « père » de la dialectique, qui ne se résume pas qu'à thèse/antithèse/synthèse, a tout puisé dans le domaine de la religion.
La véritable source d'Hegel et donc de Marx est le Treizième principe d'herméneutique (reprenant une source antérieure) de la Baraïta de Rabbi Ishmaël (I-IIè siècle) qui est une introduction au Sifra, un commentaire sur le Lévitique :
« Deux versets qui se contredisent ne peuvent être résolus qu'au moment où un troisième verset vient résoudre leur apparente contradiction. »

On le constate donc, encore et toujours, la fameuse pensée rationaliste et matérialiste repose sur des principes de haute spiritualité dont elle a perdu le sens. Les marxistes, en associant spiritualité (la dialectique) et matérialisme ont inversé les valeurs, transformant l'esprit en matière. Engels illustra cela à merveille en 1888 (Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande):
« Mais, du coup, la dialectique des idées ne devint que le simple reflet conscient du mouvement dialectique du monde réel, et, ce faisant, la dialectique de Hegel fut totalement renversée, ou, plus exactement : elle se tenait sur la tête, on la remit de nouveau sur ses pieds. » 

L'expression « bête comme ses pieds » a un sens plus profond que l'on ne le pense...

La « fameuse » dialectique mérite d'ailleurs un approfondissement que je vous promets de faire bientôt, car, elle est le révélateur d'une science qui a nié et oublié son passé, ses racines.
Abordons maintenant le cas du matérialisme historique.

II. Le matérialisme historique 

Comme d'habitude, ce concept n'appartient pas à Marx mais à Feuerbach.
Plus remarquable encore, à l'exemple du matérialisme dialectique, Marx n'a jamais utilisé le terme de « matérialisme historique », il prononçait l'expression de « nouveau matérialisme » :
« Le nouveau matérialisme se situe au point de vue de la société humaine, ou de l’humanité sociale »
Source : Karl Marx "Thèses sur Feuerbach" 1845 La Pléiade, Œuvres tome 3, p. 1033

Dans la préface de Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande
(1888), Engels avoua lui-même la manipulation :
« Avant d'envoyer ces lignes à l'impression, j'ai ressorti et regardé encore une fois le
vieux manuscrit de 1845-46. Le chapitre sur Feuerbach n'est pas terminé. La partie rédigée
consiste en un exposé de la conception matérialiste de l'histoire qui prouve seulement combien
nos connaissances d'alors en histoire économique étaient encore incomplètes. La
critique de la doctrine même de Feuerbach y faisant défaut, je ne pouvais l'utiliser pour mon
but actuel. » 

Pour résumer, Engels a écrit les lignes manquantes, critiqué Feuerbach et tout attribué à Marx, lui offrant au passage un concept qu'il n'avait jamais énoncé !!!
Voilà deux exemples (je ne vais pas publier tout mon livre) qui illustrent comment on crée un mythe et cela est valable pour beaucoup de « grands génies » dont Keynes entre autres.
Toute notre pseudo-réalité est bâtie sur du vent.

« La démocratie n’a pas pour objet la limitation du pouvoir, mais la désignation de celui qui l’exerce. (...) La politique se contente de restreindre la guerre de tous contre tous en établissant deux classes dans la société, celle qui aura le droit d’exercer la violence, et celle qui en sera victime. L’innovation de la démocratie dans l’ordre politique est de permettre aux victimes une participation symbolique au pouvoir des dominants. La démocratie est un exutoire collectif de la libido dominandi. C’est la source de son succès universel. Que signifie en effet déposer un bulletin dans l’urne, sinon proclamer « Voici comment je veux que les autres vivent » ? Ce bulletin ne compterait-il que pour 1/100.000.000ème du résultat final, il est emblématique. Chaque enfant y découvre que lui aussi pourra participer à un grand mouvement d’asservissement de ses petits camarades, il aura la chance un jour de leur imposer son chef et ses lois. » Citation de Christian Michel







samedi 19 janvier 2013

Marx sauvera-t-il le capitalisme ?

Marx, un "génie novateur"

En écrivant son ouvrage clé « Das Kapital » (Le Capital publié en 1867), Karl Marx n'a pas simplement « révolutionné » la pensée, il a fondé une nouvelle « religion ».
Le rationalisme est donc devenu le père, le matérialisme le fils, et le contrôle de l'état le Saint Esprit, la trinité revisitée.
« Toucher » au grand Marx, prophète de la vérité, est donc devenu un « blasphème » et personne n'ose faire le bilan (avant liquidation) du marxisme.
Pourtant, pour ceux qui n'ont pas encore compris ce qu'est la dialectique, après avoir eu le capitalisme (la thèse) et le socialisme (l'antithèse) nous aurons bientôt la synthèse : le capitalisme centralisé régulé.
Plonger au coeur de la pensée de notre « grand génie novateur » est donc devenu indispensable.

Marx est un penseur à part, cependant, il s'inscrit au sein d'une grande chaîne d'intellectuels. En effet, sans Descartes (rationalisme), Spinoza (matérialisme), Hégel (dialectique), Feuerbach (athéisme), Comte (Sociologie), Smith (baisse tendancielle du taux de profit), Ricardo (théorie de la valeur travail) et surtout Lamennais, le véritable "père" de la lutte des classes, la pensée marxiste serait réduite à peau de chagrin.

Il existe en effet un grand secret qu'il faut désormais dévoiler, la lutte des classes n'est pas un concept marxiste mais chrétien.
Lorsque le prêtre Félicité Robert de Lamennais écrivit le Livre du peuple en 1837, c'est à dire huit ans avant les premiers manuscrits de Marx (1844), il suscita un tollé général.
Dans cet ouvrage, il définissait les deux concepts cultes attribués faussement à Karl Marx : le prolétaire et la lutte des classes.

Lamennais écrivait ainsi aux pages 17 et 18 de son livre phare :
« Les prolétaires, ainsi qu'on les nomme avec un superbe dédain, affranchis individuellement, ont été en masse la propriété de ceux qui règlent les relations entre les membres de la société, le mouvement de l'industrie, les conditions du travail , son prix et la répartition de ses fruits. Ce qu'il leur a plu d'ordonner, on l'a nommé loi, et les lois n'ont été pour la plupart que des mesures d'intérêt privé, des moyens d'augmenter et de perpétuer la domination et les abus de la domination du petit nombre sur le plus grand.
Tel est devenu le monde lorsque le lien de la fraternité a été brisé. Le repos, l'opulence, tous les avantages pour les uns; pour les autres la fatigue, la misère et une fosse au bout.
Ceux-là forment, sous différents noms, les classes supérieures, les classes élevées; de ceux-ci se compose le peuple
. »

Plus intéressant encore, Lamennais fut le premier à aborder, à la page 28 de son ouvrage, le concept de lutte des classes, ce qui lui valut un procès retentissant.

« Toute domination implique des classes distinctes, par conséquent des privilèges, par conséquent un assemblage d'intérêts qui se combattent. »
Elias Régnault dans son ouvrage Procès de M.F. Lamennais devant la Cour d'assises, à l'occasion d'un écrit publié en 1841, précisait à la page 24, le contenu du réquisitoire contre Lamennais :
"Le réquisitoire avait relevé le délit de provocation à la haine entre les diverses classes de citoyens."
Puis, plus loin sur la même page expliquait :"Lamennais avait décrit la lutte des classes qui est devenue la persistante inquiétude de la législation."


Source : Elias Régnault - Procès de Lamennais


Pourquoi a-t-on attribué la paternité de la lutte des classes à Karl Marx ?
En fait, cela arrangeait tout le monde. L'église qui se retrouvait dans une position délicate, l'élite financière qui percevait le danger d'une condamnation s'appuyant sur la religion et surtout, les philosophes et intellectuels de l'époque qui refusaient toute légitimité à la pensée religieuse. Humour noir au carré, l' insurrection théologique de Lamennais est devenue la théologie de l'insurrection marxiste.
Ludwig Andreas Feuerbach (1804 – 1872) écrivait au même moment (en 1841), L’Essence du christianisme, un ouvrage qui scella le refus complet et total de toute religion.
Le matérialisme qui affirmait qu'en dehors de la nature et des hommes, il n’y avait rien, avait vaincu.
Il est intéressant de noter que le matérialisme qui refusait la religion devint lui-même une religion...

Le philosophe Friedrich Engels indiquait l'impact de Feuerbach sur la pensée de Marx dans son ouvrage Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande publié en 1888 :
« C’est alors que parut L’Essence du christianisme de Feuerbach. D’un seul coup, il réduisit en poussière la contradiction en replaçant sans détours le matérialisme sur le trône. »
« L’enthousiasme fut général : nous fûmes tous momentanément des « feuerbachiens ». On peut voir en lisant La Sainte Famille, avec quel enthousiasme Marx salua la nouvelle façon de voir et à quel point — malgré toutes ses réserves critiques — il fut influencé par elle. »

Pour Feuerbach, la principale aliénation de l'homme était de croire en Dieu. On comprend mieux l'origine de la phrase (dont on supprime systématiquement celle venant avant car le sens en serait modifié) : "La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans coeur, comme elle est l'esprit des conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple."


Donc, les concepts de prolétariat et de lutte des classes appartiennent à un prêtre, Félicité Robert de Lamennais. Les livres d'histoire doivent désormais être modifiés.
Il reste cependant la grande loi de la baisse tendancielle du taux de profit, une loi qui prouve selon les marxistes que le système capitaliste est condamné.
A l'image du concept de lutte des classes, la baisse tendancielle du taux de profit n'est pas une idée de Marx. Elle appartient en effet au philosophe et économiste Adam Smith (1723–1790).

Dans son ouvrage clé Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Volume 1 publié en 1776, Adam Smith écrivit à la page 179 :

« L’accroissement des capi­taux qui fait hausser les salaires, tend à abaisser les profits. Quand les capitaux d’un grand nombre de riches commerçants sont versés dans la même branche de commerce, leur concurrence mutuelle tend naturellement à en faire baisser les profits ; et quand les capitaux se sont pareillement grossis dans tous les différents commerces établis dans la société, la même concurrence doit produire le même effet dans tous. » 

Il précisait à la page 193 :
« Dans un pays qui aurait atteint le dernier degré de richesse auquel la nature de son sol et de son climat et sa situation à l'égard des autres pays peuvent lui permettre d'atteindre, qui par conséquent ne pourrait parvenir au-delà, et qui n'irait pas en rétrogradant, les salaires du travail et les profits des capitaux seraient probablement très bas tous les deux. Dans un pays aussi pleinement peuplé que le comporte la proportion de gens que peut nourrir son territoire ou que peut employer son capital, la concurrence, pour obtenir de l'occupation, serait nécessairement telle que les salaires y seraient réduits à ce qui est purement suffisant pour maintenir le même nombre d'ouvriers, et le pays étant déjà pleinement peuplé, ce nombre ne pourrait jamais augmenter. »
On le voit encore ici, la baisse tendancielle du taux de profit n'appartient pas à Karl Marx. Cependant, il y a plus intéressant.
L’économiste Philippe Simmonnot a ainsi réfuté cette théorie. Voici son explication:

« Soit V le "capital variable" correspondant aux salaires et C le capital constant correspondant aux machines, outils, bâtiments, terre, etc. Soit encore pl, la plus-value tirée par le patron du travail des salariés. On définit E, le taux d'exploitation par l'équation E = pl/V, et P, le taux de profit par l'équation P = pl/(C + V). La composition "organique" du capital de l'entreprise considérée est définie par l'équation K = (C + V)/V.
A l'aide de ces différentes équations, on peut exprimer le taux de profit (P) en fonction de la composition organique du capital (K) et du taux d'exploitation (E). En effet, pl = V.E ; P = V.E/(C + V) ; donc P = E/K.
Or, dans les conditions de concurrence parfaite qui est le cadre de référence de Marx, le taux d'exploitation (E) et le taux de profit (P) sont les mêmes dans toutes les branches de production quelle que soit la composition organique du capital. Or la dernière équation montre que si la composition organique du capital (K) varie de branche à branche ou d'entreprise à entreprise, le taux d'exploitation étant donné et partout le même, le taux de profit (P) varie de branche en branche ou d'entreprise à entreprise. Ce qui est impossible. »





 

mardi 15 janvier 2013

Chine : la fin du mythe égalitaire socialiste


Un petit retour sur la Chine tombe à point nommé pour mieux comprendre ce qui va suivre bientôt.
Le plus gros problème de la Chine n'est pas uniquement la crise économique, mais le double problème social et environnemental.

Le sociologue et statisticien italien Corrado Gini (reprenant les travaux de Jordan) avait mis au point une mesure du degré d'inégalité de la distribution des revenus. On l'appelle aujourd'hui le coefficient de Gini.
Ce coefficient varie de 0 (revenu identique pour tous) à 1 (esclavage total).

Cette mesure est d'une importance capitale car le point de rupture se situe à 0,4. En effet, passé ce cap, la société devient très inégalitaire et les conflits sociaux commencent à devenir problématiques.

De par son importance capitale, le coefficient de Gini est le calcul statistique le plus manipulé. La Chine, dont le système économique était qualifié de « socialisme de marché » par Deng Xiao Ping, a donc des difficultés à publier ce chiffre clé.
En effet, comment justifier qu'un pays soi-disant socialiste, soit un des plus mauvais en matière de distribution des revenus ?
Le coefficient de Gini réel de la Chine était de 0,61 en 2010. Il est aujourd'hui proche de 0,7.
Pour information, les USA ont largement dépassé le seuil de 0,4 avec un chiffre officiel de 0,47.


Source : Fed research St Louis

Le mythe d'un socialisme (ou capitalisme) redistributif et égalitaire a du plomb dans l'aile.
Les problèmes sociaux seront au coeur de l'actualité chinoise en 2013.






dimanche 13 janvier 2013

Capitalisme et Socialisme par Milton Friedman



Prix Nobel d'économie en 1976, Milton Friedman (1912-2006) détruit dans la vidéo ci-dessous les idées reçues sur la fameuse opposition Capitalisme/Socialisme.
Pour lui, tous les pays du monde (y compris l'ex URSS) sont capitalistes et il donne sa définition :
"Sont capitalistes, les pays à capitaux sous contrôle."
Il ajoute plus loin :
"La réelle question est bien sûr l'organisation par laquelle les capitaux sont contrôlés."
Des capitaux contrôlés par une élite minuscule dans les systèmes de propriété privée des moyens de production et donc, inversement, contrôlés par une minuscule élite dans les systèmes dits socialistes...

Wilhelm Liebknecht (1826-1900), membre de la ligue communiste fut avec Engels à l'origine de la Deuxième Internationale en 1889. Il dénonça le premier le danger d'un risque de dérive vers un capitalisme d'état.
L'anarcho-syndicaliste allemand Rudolf Rocker publia en 1921 une brochure intitulée La faillite du communisme d’État russe dans laquelle il dénonçait, lui aussi, "le capitalisme d’État" soviétique.

Le philosophe et économiste Cornelius Castoriadis, plus subtil, a été un des rares à définir le régime de l'ex-URSS comme étant un capitalisme centralisé (Devant la guerre, Fayard, 1981).

Pour ceux qui ont encore des doutes, le complexe militaro-industriel américain est un parfait exemple de capitalisme d’État. De plus, Airbus est le premier modèle de fusion d'entreprises privées et de plusieurs états.
L'intégrisme marchand a le don d'ubiquité et, comme j'aime à le répéter, le capitalisme, c'est l'obsession de la production de quantité et le socialisme, c'est l'inverse, c'est à dire, l'obsession de la quantité de production.

vendredi 11 janvier 2013

Economie, mathématiques et prévisions




Les économistes du FMI sont les meilleurs de la planète, la preuve !
Voici ce que j'écrivais le 24 octobre 2011 :
"La règle d'or de l'austérité finira donc par plomber les économies car le chômage explosera, et cela quels que soient les milliards injectés dans le tonneau des Danaïdes de la finance."

Source : Le mythe des banques

Bientôt un job au FMI ?

jeudi 10 janvier 2013

Prix de l'or et exponentielle


Ce n'est pas le prix de l'or qui augmente, mais la valeur de la monnaie qui diminue vers l'infini et au-delà !
Dans le règne de la quantité, tout se transforme en exponentielle : profits, dettes, consommation, pollution, Alzheimer, etc, etc...

lundi 7 janvier 2013

L'économie : science ou pseudo science ?


Voici une excellente publication de Bernard Guerrien, intitulée : L'économie : science ou pseudo science ?
parue dans le N°269 de Science … et pseudo-sciences, revue de l'AFIS (Association française pour l'information scientifique).  
La grande loi de la concurrence pure et parfaite est ainsi pulvérisée avec de plus, cerise sur le gâteau, la révélation du fonctionnement du mécanisme centralisé de fixation des prix, un pur bonheur ! 
(j'y reviendrai bientôt avec des explications...explosives)
   
Bernard Guerrien est docteur en mathématique-statistique et docteur en Sciences Economiques.
Il est chercheur associé au SAMM (Centre d’économie de la Sorbonne - Université Paris 1).


Son site Economie Critique est une halte nécessaire pour ceux qui veulent penser l'économie.

L’économie, en tant que discipline, a de quoi laisser perplexe un observateur extérieur. D’une part, les économistes sont souvent considérés comme des charlatans, qui se servent d’un langage obscur et font des prédictions douteuses, si ce n’est contradictoires ; d’autre part, ils utilisent abondamment les mathématiques – au niveau des publications académiques, seule la physique théorique fait mieux qu’eux, si on peut dire –, ce qui est généralement considéré comme typique d’une démarche rigoureuse et scientifique. Comment expliquer cette situation étrange ? D’abord, par la complexité de l’objet de leurs réflexions qui fait qu’on ne peut trancher par l’expérimentation entre diverses théories. Comme l’a dit John Stuart Mill, il y a bien longtemps :
« Le premier obstacle que l’on rencontre quand on essaye d’appliquer les méthodes expérimentales à la découverte des lois des phénomène sociaux est la difficulté de faire des expériences artificielles. Même s’il était possible d’executer des expériences et de les répéter indéfiniment, on ne le pourrait que dans des conditions extrêmement désavantageuses ; d’abord parce qu’il serait impossible de reconnaître et d’enregistrer tous les faits de chaque cas, et ensuite parce que, ces faits étant dans un état de changement perpétuel, il arriverait avant que l’écoulement d’une temps suffisant pour constater le résultat de l’expérience, certaines circonstances importantes auraient cessé d’être les mêmes »( Système de Logique, 1843, p 459).
Il est vrai qu’en astronomie, par exemple, on ne peut pas faire d’expériences mais « les causes qui influent sur le résultat [y] sont peu nombreuses ; elles changent peu et toujours d’après des lois connues », ce qui permet notamment de faire des prédictions. Les choses sont toutefois différentes dans le cas des sociétés :
« Au contraire, les circonstances qui agissent sur la condition et la marche de la société sont innombrables et changent perpétuellement ; et quoique ces changements aient des causes et, par conséquent, des lois, la multitude des causes est telle qu’elle défie tous nos efforts de calcul. Ajoutez que l’impossibilité d’appliquer des nombres précis à des faits de cette nature met une limite infranchissable à la possibilité de les calculer à
l’avance, lors même que l’intelligence humaine serait à la hauteur de la tâche » (p467).

Une démarche hypothético-déductive 

Mill n’en déduit pas pour autant qu’il ne faut rien faire. Bien au contraire, il pense qu’il faut adopter ce qu’il appelle la « démarche de la physique », consistant à déduire à partir d’un petit nombre d’hypothèses simples, des propriétés qui joueraient le rôle de tendances : sans faire des prédictions exactes, essayer de voir la direction du mouvement. C’est ainsi qu’il explique que :
« Même si nous étions en mesure, comme il le faudrait, de distinguer nettement, d’après les lois de la nature humaine, les tendances elles-mêmes, en tant qu’elles dépendent des causes accessibles à l’observation et de déterminer la direction que chacune d’elles, si elle agissait seule, imprimerait à la société, et de pouvoir s’assurer, d’une manière générale au moins, que quelques-unes de ces tendances sont plus puissantes que d’autres » (p. 490).
Parmi les « lois de la nature humaine », il y a le penchant à assouvir ses besoins, l’intérêt personnel, qualifié d’ « égoïsme » ou d’ « amour de soi », dont personne ne peut nier l’existence, ni l’importance. Il suffit toutefois d’observer un peu autour de soi ou de s’observer soi-même, pour constater que ce penchant en est un parmi d’autres – bienveillance envers ses congénères, importance donnée à la famille ou au clan, sens de l’honneur, de la justice, etc. – qui agissent souvent comme des « contre tendances » à l’égoïsme. De la même
façon, à un niveau plus global, on peut déduire, à partir d’un certain nombre de prémisses concernant le travail comme seule origine de la valeur, que le taux de profit baisse au fur et à mesure que le capital (machines et équipements de tout ordre) s’accumule. Mais cette tendance à la baisse du taux de profit peut être atténuée ou même annulée par des « contre tendances », comme l’obsolescence (techniques dépassées) ou même la mise au rancart, suite à des crises, des biens capitaux.
Les théories économiques partent donc pratiquement toutes d’un petit nombre de postulats simples – qui relèvent de l’observation, sur les comportements humains ou de certaines régularités à un niveau plus global – dont elles cherchent à déduire des conséquences, susceptibles d’être décelées, du moins en tant que tendances, dans les statistiques ou dans les expériences vécues par nos sociétés, présentes ou passées. Le problème, et les divergences entre économistes, tient au grand nombre de relations causales envisageables, et donc à leur importance relative. D’où l’existence de modèles très différents, qui peuvent apporter des
lumières sur ce qui a pu se passer dans tel ou tel endroit, à telle ou telle époque, mais pas du tout dans d’autres endroits ou époques. Il y a évidemment toujours l’espoir d’ « expliquer » pourquoi il en est ainsi, en invoquant des facteurs dont on n’a pas tenu compte – parce que, par exemple, ils ne sont pas quantifiables. Les économistes sont connus par le peu de fiabilité de leurs prévisions, mais aussi par leur capacité à expliquer a posteriori, par des « chocs » ou par toutes sortes d’évènements imprévus (et imprévisibles), pourquoi ils ont pu fournir de mauvaises indications. 

Une profession très sollicitée

Jusque là, on peut toutefois considérer que la démarche des économistes est scientifique, puisqu’ils cherchent à expliquer certains aspects de la réalité, à établir des relations causales – ou du moins à dégager des tendances – qu’ils essaient de quantifier en utilisant les statistiques disponibles ou qu’ils collectent. Il leur est cependant difficile d’adopter un profil bas, en reconnaissant que la théorie est sommaire, que la portée de ses modèles est vraiment très limitée et, qu’en fait, on ne sait pas grand chose. Cela d’autant plus que leur profession très sollicitée par les pouvoirs publics, et par la société en général, qui aimeraient savoir où on en
est et, surtout, ce qu’il faut faire pour résoudre tel ou tel problème (chômage, inflation, déficit extérieur, etc…). La tentation est alors grande de « faire tourner » des modèles formés de bric et de broc, pour fournir prévisions et conseils. Pour cela, la puissance des ordinateurs aidant, des équations censées décrire des comportements de plus en plus raffinés ou tenant compte de caractéristiques sectorielles, régionales, ou autres, vont être empilées. Ce qui n’est pas sans poser des problèmes au niveau du traitement statistique (données insuffisantes au vu du nombre de variables prises en compte) et même de cohérence théorique – incompatibilité des comportements décrits par certaines équations. Le partage des variables entre « explicatives » et « expliquées » est aussi source d’âpres débats.
A côté de ceux qui font tourner ces modèles dans les ministères, les banques, les grandes institutions internationales, il y a les théoriciens qui les inspirent – qu’on trouve surtout à l’université. Contrairement aux sciences de la nature, le théoricien est, dans le cas présent, partie prenante de la réalité qu’il veut décrire ou comprendre. Sa vision de la société est largement influencée par la place qu’il y occupe, son vécu, ses expériences, ses relations. Il a forcément une opinion sur « ce qui va » et sur « ce qui ne va pas », et donc sur ce qu’il faut faire pour que ça aille mieux. Son opinion va donc conditionner, si ce n’est déterminer, sa réflexion et ses recherches sur ce qui est. Devant la complexité de la réalité sociale, il va choisir les points de départ – les axiomes – de sa théorie, pour en déduire des « résultats » et conclusions. En fait, très souvent, il va élaborer une théorie dans la perspective de prouver – si possible, en faisant usage des mathématiques – que ses croyances, ses opinions a priori sur ce que doit être une bonne société, sont justifiées. Et c’est évidemment à ce moment là que l’on tombe dans la pseudo science, même si elle prend l’apparence honorable d’équations et de déductions impeccables. Prenons deux exemples significatifs.

Des croyances qui rendent autiste

Une des croyances les plus ancrées chez la plupart des économistes est que le marché est efficace, au sens où il épuise toutes les occasions d’échanges mutuellement avantageux – du moins s’il n’est pas entravé par des réglementations ou par des « imperfections » comme les monopoles, ou par d’autres phénomènes du genre. Si on veut donner forme à cette croyance, on voit immédiatement qu’elle est loin d’aller de soi : chacun doit chercher des partenaires pour faire des échanges, qui ne peuvent être que partiels, puis négocier les prix auxquels ils peuvent se faire, ce qui prend du temps et des ressources sans qu’on puisse dire où cela va s’arrêter – si ça s’arrête. En fait, il existe un moyen d’éviter ce processus complexe, au résultat incertain : on suppose qu’il existe une entité centrale qui propose des prix (on évite le problème des marchandages bilatéraux), que les ménages et les entreprises font des offres et des demandes à ces prix, que l’entité centrale confronte globalement ces offres et ces demandes (afin de déceler toutes les possibilités d’échanges mutuellement avantageux), en augmentant le prix des biens dont la demande globale est supérieure à l’offre globale et en diminuant ceux des autres. Quand l’entité centrale a trouvé les prix qui égalisent les offres et
les demandes globales – les « prix d’équilibre » – alors elle organise les échanges, chacun lui apportant ce qu’il offre, et emportant ce qu’il demande, à ces prix. Il est alors clair que toutes les possibilités d’échanges mutuellement avantageux seront épuisées et ce, sans coût (l’entité centrale s’occupant de tout). Le comble, les préjugés l’emportant alors sur la raison, c’est que ce modèle est présenté comme celui de la « concurrence parfaite », du marché idéal. Seuls les initiés qui peuvent décrypter ses équations savent qu’il décrit, en fait, un système ultra centralisé – qui n’a rien à voir avec l’idée qu’on se fait habituellement du marché. Pour les autres, les manuels et les ouvrages de large diffusion, ce modèle est présenté de façon
suffisamment floue comme pour laisser croire qu’on a démontré mathématiquement que la concurrence est parfaite, car elle permet une affectation optimale des ressources. On est près de l’escroquerie intellectuelle, même si elle est plus ou moins inconsciente – telle est la force des croyances, des préjugés. Une bonne partie de la théorie économique formalisée est pourtant construite autour de ce modèle, présenté comme décrivant le marché par excellence.

Un autre exemple d’aberration est celui, très à la mode, des modèles dits à « agent représentatif », où la production, la consommation, l’investissement, l’emploi et d’autres caractéristiques de l’économie d’un pays sont présentées comme résultant des choix d’un individu, du genre Robinson Crusoe, qui doit notamment décider combien il produit, consomme et investit, pendant une certaine période de temps. Ces choix vont alors être comparés à ce qui s’est passé dans un pays donné (la France, par exemple) concernant le PIB,
la consommation, l’investissement, le taux de chômage, le niveau des prix, pendant une période similaire. Le « truc » consiste alors à donner aux paramètres qui caractérisent l’individu fictif – paramètres censés représenter ses goûts et les techniques dont il dispose – des valeurs telles que ses choix ressemblent le plus possible aux évolutions observées dans ce pays. Puis on dira qu’on a ainsi réussi à « simuler », si ce n’est expliquer, ce qui c’est passé dans ce pays, comme si celui-ci se comportait comme un unique individu, confronté de fait à des décisions d’ordre purement technique – ce sont d’ailleurs les techniques mathématiques du contrôle optimal qui sont utilisées pour caractériser ces décisions. Le « Prix Nobel » que se sont fabriqués les économistes a été attribué à plusieurs d’entre eux pour leurs « contributions » à ce non-sens. On est en plein délire, mais comme il se pare de mathématiques compliquées, rares sont ceux qui s’en rendent compte. Parmi eux, il y a ceux qui ont bâti leur carrière sur lui, et qui préfèrent rester discrets : personne n’aime scier la branche sur laquelle il est assis ! C’est pourquoi, malheureusement, cette farce dure depuis longtemps, et risque de durer encore longtemps. Lorsque des étudiants un peu lucides, et ayant une bonne formation mathématique, ont fait remarquer à ceux qui leur enseignent l’absurdité de leurs modèles, ils n’ont eu pour réponse que le silence, le mépris ou la remarque péremptoire : « si on ne fait pas ça, on ne fait rien ! ». Pour qualifier une telle attitude, incompatible avec une démarche scientifique, il n’est pas faux de parler d’autisme, comme l’ont fait ces étudiants (voir le site www.autisme-économie.org).

vendredi 4 janvier 2013

Fin de l'économie : repenser la monnaie



J'avais promis l'année dernière de penser l'économie, voici donc un petit résumé de mon livre (à venir bientôt) intitulé:

 La fin de l'économie
le début de la conscience

Ce petit résumé sera suivi de quelques autres, qui, je l'espère, vous inciteront à approfondir le sujet. Penser l'économie plutôt qu'une économie de la pensée...

Robert Clower et Peter Howitt, deux économistes américains ont pensé « les fondements de l’économie » et écrit ceci en 1995 :
« La microéconomie est un catéchisme universitaire, un programme de recherches centré sur les solutions d’exercices académiques plutôt que sur celles de problèmes empiriques. A en juger par la masse des travaux théoriques récents, nous avons été conditionnés, comme les chiens de Pavlov, à considérer que des réponses précises à des énigmes purement académiques ont un "sens" et sont "intéressantes". L’économie est une "fiction imaginaire"

L'année 2013 sera l'année de l'apocalypse économique. Non pas la vision faussée d'une fin brutale, mais plutôt le dévoilement des arcanes d'une science humaine qui a sombré dans le règne de la quantité. La prétention de vérité s'est donc muée en prétention de mesure et les économistes sont devenus des mathématiciens adeptes de la microéconomie, « une fiction imaginaire ». Bernard Guerrien, docteur en mathématiques et docteur en sciences économiques est ainsi extrêmement critique sur l'utilisation des mathématiques en économie. De nombreux étudiants lui ont emboîté le pas car ils ne comprennent plus le sens de ce qu'ils étudient (lien ci-dessus). Le grand temple des certitudes se lézarde de toutes parts.

L'économie n'est pas une science exacte. En tant que science humaine, elle n'est au mieux capable que d'expliquer à posteriori la chaîne des causalités qui ont amené tel ou tel phénomène dit « économique ». L'histoire apporte d'ailleurs un complet démenti à la prétention de prédiction ou de prévention des économistes. Une théorie économique a-t-elle empêché une seule crise ?
En cela, elle se rapproche de l'histoire et, in fine, se différencie par un langage propre, c'est à dire une certaine vision et tentative d'explication d'un phénomène particulier que l'on peut réduire à l'expression « étude du monde marchand dans l'organisation de la société », le fameux triptyque de l'intégrisme marchand : vendre, acheter et s'entretuer.

Ludwig Wittgenstein (1889-1951) philosophe du langage avait révélé le grand secret, le parallèle entre réel et langage. Pour lui, le langage a pour rôle de représenter le monde, une théorie qu'il avançait dans son Tractatus logico-philosophicus (1921) : « la langue déguise la pensée. Et de telle manière que l'on ne peut, d'après la forme extérieure du vêtement, découvrir la forme de la pensée qu'il habille ». Jacques Lacan, le célèbre psychiatre et psychanalyste français insistait lourdement sur le rôle essentiel du langage en psychologie :
« Le psychanalyste n'est pas un explorateur de continents inconnus ou de grands fonds, c'est un linguiste.»

Pour mieux comprendre, il faut remonter à la source. Jean (1:1), révélait, il y a très longtemps, le vrai rôle du verbe : "Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu."

Wittgenstein donc, laissa dans son Tractatus une conclusion qui devrait être inscrite dans chaque salle de classe, au fronton de chaque université : « Les lois logiques sont des tautologies, elles ne disent rien sur le monde ». La tautologie étant une proposition tournée de manière à ce que sa formulation ne puisse être que vraie, nous comprenons mieux ainsi pourquoi les économistes utilisent tant les mathématiques.

Tout notre monde est bâti sur des « erreurs communément admises » dont l'économie est le coeur.
Vendre et acheter (une variante d'onanisme compulsif) voilà sur quoi repose toute la société, et donc, pour permettre l'échange sans passer par le meurtre on a créé un médiateur, l'argent, qui a fini par remplacer dieu dans l'inconscient collectif. Pour ceux qui n'avaient pas compris le véritable sens de la parabole du veau d'or, en voici l'explication.

Comme je l'ai déjà écrit, l'argent, le coeur du problème, n'est pas seulement comme le pensait Byron une lampe d'Aladin, c'est avant tout un substitut à notre violence. L'économie de marché reflète donc le seul désir qui anime vraiment l'être humain, celui de posséder l'autre. L'histoire humaine est ainsi déterminée par la canalisation de cette violence et pour cela, l'autre a été remplacé par des objets, des marchandises.
L'argent, n'est donc, dans le rapport social qu'un moyen de s'approprier des humains, de les voler légalement.

Or, notre société qui a sombré dans l'échangisme est face à un problème particulier. En effet, pour que les deux grandes lois (vendre et acheter) puissent perdurer, il faut que le médiateur, c'est à dire la monnaie soit présente en quantité.
Or, et nous le savons depuis longtemps, il faut un équilibre entre la quantité de monnaie et la quantité de marchandise, équilibre qui, s'il n'est pas respecté, se termine en inflation (trop de monnaie/pas assez de marchandises) ou déflation (trop de marchandise/pas assez de monnaie). Smith, Ricardo et Marx insistaient lourdement sur ce point.

L'économiste américain Irving Fisher (1867-1947) fut le premier à formaliser cette règle par la célèbre formule MV = PQ, la fameuse théorie quantitative de la monnaie, formule dans laquelle :
M = quantité de monnaie
V = la vitesse de la monnaie, c'est à dire la quantité de transactions
P = niveau des prix
Q = quantité de produits

Fisher, guidé par sa connaissance de "grand économiste" fut ruiné par le krach de 1929. Il donna ensuite de grandes conférences et leçons sur la crise avec son ouvrage "Booms and Depressions: Some First Principles" publié en 1932.
Président de la Société américaine d'eugénisme, Fisher avait mis tout son talent de scientifique au service d'une "grande cause" qu'il nommait lui-même "l'humaniculture scientifique".

De nos jours le problème monétaire est au coeur des préoccupations de nos "grands penseurs".
En effet, le système financier international mis en place par les accords de Bretton Woods en 1944, plaçant le dollar comme monnaie de référence, a totalement implosé le 15 août 1971. Le président Nixon, imposa la fin de la convertibilité du dollar par rapport à l'or. Smith, Marx et Ricardo et tant d'autres aimaient pourtant à le répéter, "il n'y a de monnaie que d'or".

Les économistes n'ont d'ailleurs pas compris à l'époque que ce n'était pas seulement le déclin des USA qui débutait, mais, la fin de tout notre système économique basé sur la dette. Le système, pour survivre et écouler la marchandise, devait de façon virtuelle accroître sans cesse la masse monétaire, un rôle dévolu à la finance. On a donc décorrélé l'argent de toute réalité physique pour le faire lentement glisser dans le domaine du virtuel. La monnaie électronique devrait donc être la suite logique.
Nous avons comme d'habitude une véritable inversion des valeurs, car, au lieu de limiter les quantités de marchandises (l'entropie du système) par un contrôle de la masse monétaire, nous laissons croître de façon exponentielle la quantité de marchandises ce qui, in fine, conduira l'humanité à la catastrophe.

Les questions de choix de société sont ainsi  abandonnées au bon soin de l'économie, un Deus ex machina.
L'intégrisme marchand n'est pas un concept mais une triste réalité qui échappe de plus aux fameuses théories du complot et se résume en trois mots : maximiser les profits, la superbe logique marchande que Charles Baudelaire (1821-1867) adorait :
"Le commerce est, par son essence, satanique. Le commerce, c'est le prêté-rendu, c'est le prêt avec le sous-entendu : Rends-moi plus que je ne te donne... Le commerce est satanique, parce qu'il est une des formes de l'égoïsme, et la plus basse et la plus vile." 

L'obsession de la marchandise ne peut que nourrir son ombre, le fanatisme religieux, c'est à dire le refus violent de cette société consumériste. Lutter contre le fanatisme religieux bien sûr, mais quid de son créateur ?

Tout est donc basé sur la marchandise et sa quantité et les futurs projets d’allocation universelle ne sont qu'une autre tentative de maintenir le dogme de la quantité par une distribution d’argent, le miracle de la multiplication des pains...

MV = PQ, la grande loi des économistes qui ne jurent que par la monnaie et ne voient que la fameuse masse monétaire, alors qu'il faut, comme d'habitude, inverser la formule et n'y voir in fine que la quantité (ou les deux dernières lettres), l'entropie du système. Quantité de monnaie x Quantité de vitesse = Quantité de prix x Quantité de produits
Ceux qui désirent le retour à une monnaie basée sur l'or et l'argent devraient percevoir le fond et non la forme. En effet, une telle monnaie a pour conséquence de stabiliser la masse monétaire et donc limite la quantité de marchandises. Les grands empires se sont ainsi tous effondrés car ils se sont heurtés à l'infranchissable barrière monétaire. Elle condamne en effet, à plus ou moins long terme, le système à la déflation par augmentation des marchandises car , M x V/Q = P.
  
Donc, pour ceux qui n'ont pas encore compris, tout système économique basé sur l'or ou l'argent est incompatible avec une société consumériste (du latin consumere qui se consume) dans laquelle tout est basé sur la quantité .
On comprend mieux la diabolisation de l'Islam qui insiste particulièrement sur ce point.

Pourtant, si nous poussons plus loin l'analyse, nous nous rendons compte que l'humanité dans son ensemble est incapable de penser une société non commerciale, de sortir du cadre infantile de la monnaie.
Face à l'ampleur des difficultés que connaît notre planète, nos « grands économistes » ont bien sûr des solutions. Certains veulent réguler, d'autres interdire les paris relatifs à l'évolution d'un prix ou mettre en place une taxe sur les transactions financières et donc pour résumer, changer le pansement au lieu de penser le changement...
Thomas Piketty, l'économiste à la mode aujourd'hui, a publié fin 2008 la sixième édition de son Repères sur L’économie des inégalités. On y trouve cette citation à la page 37 qui nous donne une « magnifique » vision de l'avenir :
« Si le mode de production capitaliste consiste tout simplement à appareiller des quantités fixes de travail et de capital, à mettre n travailleurs sur une machine, alors pourquoi a-t-on besoin du propriétaire de la machine ? Si ce dernier ne fait que prélever sa dîme, alors on pourrait tout aussi bien le supprimer en collectivisant les moyens de production. Quant à l’épargne, il suffit de prélever une partie suffisante du revenu national pour augmenter le stock de machines et les appareils au nombre adéquat des travailleurs : nul besoin de capitalistes pour cela. C’est évidemment ce que Marx a conclu en observant autour de lui cette redoutable simplicité du mode de production capitaliste »

Pour résumer, face à la crise de la quantité, c'est à dire, notre impossibilité d'accroître encore et toujours la quantité de produits, il faut remplacer le capitaliste par l'état, une fusion des pouvoirs de l’état et des pouvoirs du marché.
Frédéric Bastiat (1801-1850), un économiste impertinent et sans diplôme, résumait ceci il y a fort longtemps : « La communauté seule doit décider de tout, régler tout : éducation, nourriture, salaires, plaisirs, locomotion, affections, familles, etc., etc. — Or la société s’exprime par la loi, la loi c’est le législateur. Donc voilà un troupeau et un berger.»

Il ne reste plus qu'à créer une monnaie électronique décorrélée de toute réalité pour accéder enfin au règne total et complet de la quantité, de l'uniformité, dans lequel l'être sera totalement dissous.
Cela fait des années que j'explique que capitalisme et communisme sont les deux faces d'un seul et même problème, un principe bicéphale que la psychologue Marie-Louise von Franz (1915-1998) définissait à merveille dans son ouvrage Les Mythes de création :
"Nous avons là un exemple de l'union des contraires et d'une certaine possibilité qu'ont les extrêmes de s'interchanger et qui caractérise tous les phénomènes psychiques. Dès qu'un phénomène psychique touche à l'un des extrêmes, il se met d'abord, d'une façon cachée, puis de plus en plus fortement, à manifester son aspect contraire. C'est le phénomène d'énantiodromie, selon lequel une chose se transforme en son opposé."
Les théoriciens du complot vont donc s'en donner à coeur joie et pourtant ils passent totalement à côté de l'essentiel. Le monde est tel que nous l'imaginons et le fameux « méchant riche » n'est que la projection de notre désir de posséder, la lente descente vers la substance. Un banquier, aussi "méchant" soit-il, n'a jamais forcé personne à emprunter et sans emprunteur, plus de banquier...

Dans nos sociétés, rien n'existe ex nihilo, il faut un inconscient collectif et, comme le disait si bien Carl Gustav Jung, « l'homme intelligent ne puise ses enseignements que de sa propre culpabilité. »
Ludwig von Mises dévoilait l'impuissance de la science économique en indiquant que « l'économie commence là où la psychologie s'arrête ». Il oubliait ainsi Marx et son grand crédo : « A chacun selon ses besoins » auquel répond aujourd'hui Œdipe : « mes besoins sont démesurés »...