dimanche 17 août 2014

Jean Baudrillard : L’échange symbolique et la mort




« Lis, lis, lis » nous répétait Gabriel …

Pour ceux qui connaissent ce blog, penser l'économie nécessite la remise en question de nos concepts, mais surtout, demande un gros travail de recherche et donc de lecture.
« L’échange symbolique et la mort » publié en 1976 est un ouvrage phare du philosophe français Jean Baudrillard mort en 2007.
Comme d'habitude, la pensée économique acquiert ses lettres de noblesse lorsqu'une vision extérieure se penche sur son cas. Comme je l'ai déjà écrit, Adam Smith et Marx étaient philosophes, Keynes, diplômé en mathématiques et haut fonctionnaire,  Friedrich August von Hayek et Joseph Schumpeter, docteurs en droit, David Ricardo, agent de change et, cerise sur le gâteau, Frédéric Bastiat avait quitté l'école à 17 ans. 

Voici donc quelques extraits essentiels à plus d'un titre (que j'ai regroupés par thèmes) pour ceux qui veulent comprendre l'économie, des extraits qui démontrent, entres autres, à quel point la pensée marxiste est devenue obsolète.

L’économie : l’art de la tautologie (Ubu roi)


« Tout système qui se rapproche d'une opérationnalité parfaite est proche de sa perte. Quand le système dit « A est A » ou « deux et deux font quatre », il approche à la fois du pouvoir absolu et du ridicule total, c'est-à-dire de la subversion immédiate et probable, il suffit d'un coup de pouce pour le faire s'effondrer. On sait la puissance de la tautologie lorsqu'elle redouble cette prétention du système à la sphéricité parfaite (la gidouille d'Ubu). »


« Saussure donnait deux dimensions à l'échange des termes de la langue, en assimilant ceux-ci à la monnaie, une pièce de monnaie doit pouvoir s'échanger contre un bien réel de quelque valeur, d'autre part elle doit pouvoir être mise en rapport avec tous les autres termes du système monétaire. C'est à ce dernier aspect qu'il réservait, de plus en plus, le terme de valeur: la relativité, interne au système général et faite d'oppositions distinctives, de tous les termes entre eux par opposition à l'autre définition possible de la valeur la relation de chaque terme à ce qu'il désigne, de chaque signifiant à son signifié, comme de chaque pièce de monnaie à ce qu'on peut obtenir en échange. Le premier aspect correspond à la dimension structurale du langage, le second à sa dimension fonctionnelle. »


La deuxième mort de Marx : la fin de la valeur

« C’est la valeur d'usage, qui mène une existence fantôme au cœur de la valeur d'échange. »


« Le capital est un système énergétique et intense. D'où l'impossibilité de distinguer (Lyotard) l'économie libidinale de l'économie même du système (celle de la valeur) -l'impossibilité de distinguer (Deleuze) la schize capitaliste de la schize révolutionnaire. Car le système est le maître... »


« Marx n'est pas loin de faire de la valeur d'usage le medium ou l'alibi pur et simple de la valeur d'échange. Et toute son analyse se fonde sur le principe d'équivalence qui est au cœur du système de la valeur d'échange. Mais s'il y a équivalence au cœur du système, il n'y a pas indétermination du système global (il y a toujours détermination et finalité dialectique du mode de production). Tandis que le système actuel, lui, se fonde sur l'indétermination, il est impulsé par elle. Inversement il est hanté par la mort de toute détermination. »

« Le parallèle est total, à ce stade « classique » de la signification, avec le mécanisme de la valeur dans la production matérielle, telle que Marx l'analyse. La valeur d'usage joue comme horizon et finalité du système de la valeur d'échange, la première qualifie l'opération concrète de la marchandise dans la consommation (moment parallèle à celui de la désignation pour le signe), la seconde renvoie à l'échangeabilité de toutes les marchandises entre elles sous la loi de l'équivalence (moment parallèle à celui de l'organisation structurale du signe). Les deux s'articulent dialectiquement tout au long des analyses de Marx et définissent une configuration rationnelle de la production, régie par l'économie politique. Une révolution a mis fin à cette économie « classique » de la valeur, une révolution de la valeur elle-même qui, au-delà de sa forme marchande, la porte à sa forme radicale. Cette révolution consiste en ce que les deux aspects de la valeur, qu'on a pu croire cohérents et éternellement liés comme par une loi naturelle, sont désarticulés, la valeur référentielle est anéantie au profit du seul jeu structural de la valeur. La dimension structurale s'autonomise à l'exclusion de la dimension référentielle, elle s'institue sur la mort de celle-ci. »

« Le réel est mort sous le coup de cette autonomisation fantastique de la valeur. La détermination est morte, l'indétermination est reine. Il y a eu ex-termination (au sens littéral du terme) des réels de production, du réel de signification. »


L’intégrisme marchand

« L’anéantissement de toute finalité des contenus de production permet à celle-ci de fonctionner comme code et au signe monétaire par exemple de s'évader dans une spéculation indéfinie, hors de toute référence à un réel de production ou même à un étalon-or. »
« Partout la même « genèse des simulacres » commutabilité du beau et du laid dans la mode, de la gauche et de la droite en politique, du vrai et du faux dans tous les messages des media, de l'utile et de l'inutile au niveau des objets, de la nature et de la culture à tous les niveaux de la signification. Tous les grands critères humanistes de la valeur, ceux de toute une civilisation du jugement moral, esthétique, pratique, s'effacent dans notre système d'images et de signes. »

Cela renvoie au passage suivant publié en 2002 dans « Power Inferno ; Requiem pour les Twins Towers ; 
Hypothèse sur le terrorisme ; La violence du Mondial » (éditions Galilée) :

« Il ne s'agit donc pas d'un choc des civilisations, mais d'un affrontement, presque anthropologique, entre une culture universelle indifférenciée et tout ce qui, dans quelque domaine que ce soit, garde quelque chose d'une altérité irréductible. Pour la puissance mondiale, tout aussi intégriste que l'orthodoxie religieuse, toutes les formes différentes et singulières sont des hérésies… La mission de l'Occident (ou plutôt de l'ex-Occident, puisqu'il n'a plus depuis longtemps de valeurs propres) est de soumettre par tous les moyens les multiples cultures à la loi féroce de l'équivalence ». « Pour un tel système, toute forme réfractaire est virtuellement terroriste. Ainsi encore l'Afghanistan. Que, sur un territoire, toutes les licences et libertés démocratiques - la musique, la télévision ou même le visage des femmes - puissent être interdites, qu'un pays puisse prendre le contre-pied total de ce que nous appelons civilisation - quel que soit le principe religieux qui soit invoqué, cela est insupportable au reste du monde libre. Il n'est pas question que la modernité puisse être reniée dans sa prétention universelle » Power Inferno (2002)

Conclusion 

« A vrai dire, il ne reste rien sur quoi se fonder. Il ne nous reste plus que la violence théorique. La spéculation à mort, dont la seule méthode est la radicalisation de toutes les hypothèses. » 

« Il faut pousser les choses à la limite, où tout naturellement elles s'inversent et s'écroulent. »


 

mardi 12 août 2014

Gaz de schistes : la fin des illusions pour le Maghreb



La tentation d'exploiter les réserves de gaz de schistes est forte au Maghreb et surtout en Algérie, un pays qui possède les troisièmes réserves mondiales. Les données de l'EIA (U.S. Energy Information Administration), un organisme qui fait référence en matière d'énergie, sont apparemment flatteuses puisqu'elle évalue les réserves de gaz de schistes techniquement récupérables à 707 Tcf.

Sonatrach envisage en effet de forer 4 puits à Ahnet et Illizi pour son exploration et l'Algérie annonce un plan d’investissement de 100 milliards de dollars prévu sur la période 2014-2018.



Le recul que nous possédons désormais grâce aux expériences américaines et polonaises prouve que tous les chiffres sont erronés et, surtout, que cette industrie n'est pas rentable. Les derniers rapports de l'EIA révisent d'ailleurs à la baisse les réserves américaines comme l'illustre le graphique ci-dessous.



 
Il est essentiel de rappeler que l'Algérie possède les 2/3 de l'aquifère du Sahara septentrional recélant environ 31 000 milliards de m3 d'eau qui s’étend sur plus d'un million de kilomètres carrés sous l’Algérie, la Tunisie et la Libye. Or, la grande majorité des gaz de schistes algériens (sauf le réservoir de Tindouf) se trouve sous cette eau. En cas de pollution, la catastrophe serait totale.




Pour une exploitation à grande échelle, l'Algérie devrait investir 300 milliards de $ dans les gaz de schistes. Un non sens puisqu'un puits à une durée de vie de 5 ans avec un coût de démantèlement équivalent à celui de sa mise en place et une catastrophe écologique au final. 

Les décideurs algériens raisonnent pour le moment à l'envers. La priorité n'est pas d'accroitre la production, mais de diminuer la consommation. Le passage à l'hybridation de toutes les centrales électriques est donc la priorité des priorités à mettre en place dès aujourd'hui. Les grandes villes devraient de plus s'équiper de centrales solaires thermiques qui permettent désormais techniquement de produire une électricité à flux régulé qui pourrait être optimale par l'utilisation généralisée des smart grids (un réseau de distribution d'électricité "intelligent").

Voici donc deux documentaires qui remettent les pendules à l'heure. Non-sens économique, bilan carbone lamentable, pollution environnementale sans précédent, cette source d'énergie ne doit pas être développée au Maghreb, une région dont le trésor le plus précieux est l'eau.

vendredi 8 août 2014

L'Italie en récession : Monte Paschi di Siena touche le fond


L'Italie est en récession. La banque Monte Paschi di Siena - la plus ancienne au monde - qui avait bénéficié en 2013 d'un plan de sauvetage de 4,1 milliards d'euros a perdu 352,9 millions d'euros depuis le début de l'année.

Mais il ne faut pas s'inquiéter, en Italie, on a beaucoup d'imagination.
Dès 2011, le gouvernement italien avait permis la « transformation » , des actifs d’impôt différé (DTA - Deferred Tax Assets.) des banques en créances sur l’État. On comprend mieux ainsi comment les banques Italiennes ont échappé au choc violent subi par les autres pays européens du sud de la méditerranée augmentant au passage la dette nationale italienne.