Ce blog étant nouveau, je vais reprendre quelques analyses essentielles qui permettront, je l'espère, d'avoir une vue d'ensemble de la crise systémique actuelle. En effet, seule une analyse holistique peut permettre d'y voir clair.
Après avoir développés dans ma précédente étude les bouleversements liés à la crise, nous allons aborder ici le fameux problème monétaire.
En juillet 1944, les USA imposaient au
monde le dollar comme monnaie de référence. C’était la mise en
place de la charte monétaire dite de Bretton Woods.
Or, il faut le rappeler, le dollar
était à l’époque convertible en or (35 dollars l’once).
Jacques Rueff, économiste, et surtout clairvoyant, avait alors
déclaré que c’était pour le monde « le secret d’un
déficit sans larmes. »
Puis, par étapes successives, le
dollar a cessé d’être convertible en or (1971), pire encore, il
est devenu « flottant » (1973), c'est-à-dire déconnecté
de toute réalité économique. John Connally, secrétaire au
trésor, déclarait ainsi en 1971: « Le dollar est notre
monnaie, mais c'est votre problème. »
Cerise sur le gâteau, on a abandonné
le système de change fixe par les accords de Kingston de janvier
1976.
Georges Pompidou qui a travaillé à la
banque Rothschild de 1954 à 1962 (donc un spécialiste des questions
monétaires) avait à l’époque donné un bon aperçu de la
situation :
« il n’y a pas de système monétaire
international valable sans parités fixes ». Nous nous sommes donc
peu à peu acheminés vers un « non système monétaire ».
Une étude récente de la banque mondiale a ainsi démontré que nous
avons eu 176 crises monétaires depuis 1971.
Comment les USA ont-ils pu maintenir ce
système si longtemps ? Par la
violence, bien sûr.
Thomas
Friedman conseiller spécial de la secrétaire d’État
Madeleine Albright sous l’administration Clinton avait été très
explicite :
« La main cachée qui tire les
ficelles du marché a besoin d’un poing caché pour être efficace.
McDonald’s ne saurait prospérer sans McDonnell Douglas... Et le
poing caché qui assure un monde propice au développement des
technologies de la Silicon Valley, c’est l’armée, les forces
aériennes, la Marine et le Marine Corps américain ».
Source : Thomas Friedman, The
Lexus and the Olive Tree : Understanding Globalization, Farrar,
Strauss and Giroux, New York, 1999, p. 373.
Milton Friedman a pour sa part promu
les taux de change flottants dès 1953 dans son article « The
Case for Flexible Exchange Rates ».
Il affirmait à l’époque qu’il fallait laisser
les marchés déterminer la valeur des monnaies nationales. Cette
vision anarcho-capitaliste de l’économie s’est diffusée partout
dans le monde grâce à l’école de Chicago mais surtout au travers
de la Société du Mont-Pèlerin .
Pascal Salin, ancien président de cette société, économiste et
philosophe écrivait à l’époque :
« Dans une période où le
marxisme et l'interventionnisme étatique dominaient les esprits,
Friedman a joué, à contre-courant, un rôle absolument
irremplaçable. » Irremplaçable en effet car il a contribué
à détruire l’économie mondiale après 176 crises
monétaires !
Ceux qui recherchent les coupables,
feraient mieux de regarder de ce côté, l’idéologie libertarienne
a été une catastrophe que nous payons très cher
aujourd’hui.
Face au vide
institutionnel, la finance a donc pris le dessus et la valeur
de chaque monnaie a été déterminée par les marchés, une
application directe des idées libertariennes de Milton Friedman qui
a obtenu un prix Nobel d’économie en 1976.
James D Grant membre du CFR
dans une discussion avec Paul Volcker (directeur du conseil
pour la reconstruction économique) et Lawrence Summers (responsable
actuel du conseil économique d’Obama), le 23 mai 2007, a dit :
« le dollar est basé sur la foi,
nous émettons 850 milliards de dollar par an…Donc quelqu'un
pense-t-il que c'est …(inaudible)». J’aime beaucoup la censure
discrète (inaudible !). Nous sommes au mois de mai 2007 et ils
savent que le système va dans le mur.
Nous connaissons la suite, une montagne
de dette pour soutenir les USA, ce qui s’apparente à une
taxe impériale, et nous avons laissé « circuler 1000
fois plus d’argent qu’il n’existe d’actifs sous-jacents »
comme l’affirme Pierre Pascalon dans son étude pour l’IRIS
(Institut de Relations Internationales et Stratégiques :« Il
faut un véritable Bretton Woods II »).
Or, le 18 mars, le jour où le
dollar est mort , la FED (banque centrale US) a décidé de
racheter des bons du trésor, ce qui revient à monétiser la dette.
Igor Panarin ancien expert des USA au
KGB enfonce le clou en déclarant : «Le dollar n'est garanti
par rien. » Le journal russe Izvestia affirme quant à lui :
« La dette étrangère du pays a grandi comme une avalanche;
c'est une pyramide, qui doit s'effondrer.» Source :
Bloomberg.com du 25 novembre 2008.
Nous le voyons, notre système
monétaire basé sur le dollar n’est plus viable.
Le problème de la monnaie est donc au
cœur de cette crise et vous avez remarqué que j’insiste
lourdement sur ce point car les solutions qui seront « trouvées »
seront d’ordre monétaire. J’ai
expliqué dans de nombreux articles que les monnaies nationales
étaient en phase avancée de destruction (dollar, livre sterling par
exemple) et que de nouvelles monnaies continentales (dollar
nord-américain, Acu pour l’Asie, Sucre pour l’Amérique du sud,
l’Arabo lancé par le Conseil de Coopération du Golfe), virtuelles
dans un premier temps, étaient en train de naître. Ainsi,
nous assistons à la destruction des nations écartelées entre de
grands pôles continentaux d’une part et des régions d’autre
part. Des monnaies complémentaires apparaissent comme les comptes
Hour gérés par la
Bank
of Ithaca dans
l’état de New York par exemple.
Le dollar s’effondre donc et avec lui l’Empire US car le cœur
économique du monde s’est déplacé vers l’Asie (Chine et Inde).
Le 19 février, le quotidien du peuple
(People’s Daily) annonçait que « la Chine autorisait les
pays en déficit commercial avec elle à produire des obligations en
yuans (et non en dollars). »
Elle a de plus signé un accord avec
l’Argentine lui permettant de payer en yuan et « a conclu des
accords d’échange de devises d’une valeur totale de 95 milliards
de dollars, avec la Malaisie, la Corée du Sud, Hong Kong, la
Biélorussie, l’Indonésie, et maintenant l’ Argentine ».
Source : China Economic Review du 31 Mars 2009.
L’AFP, le 26 mars, a affirmé « qu’un
groupe d'experts de l'ONU dirigé par l'économiste américain Joseph
Stiglitz a préconisé un nouveau système monétaire international
pour remplacer l'actuel, basé sur le dollar. Un nouveau système
monétaire international, ressemblant à des droits de tirage
spéciaux (DTS) très élargis » La Chine a enfoncé le clou en
proposant que les droits de tirage spéciaux (DTS ou SDR en anglais)
puissent jouer le rôle « de monnaie de réserve supra-souveraine.»
Georges Soros a confirmé :
« la monnaie américaine pourrait finalement être remplacée
comme devise mondiale de réserve, éventuellement par les Droits de
tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international ».
Source : Reuters du 06 avril 2009.
Les DTS ont été créés en 1966
par le FMI en complément des réserves officielles des pays
membres, c’est un droit qui permet de « tirer » des
devises. Les DTS sont déterminés en fonction d’un panier de
valeur de 4 monnaies : le dollar, l’euro, le yen et la livre
sterling. Il manque donc le yuan et le rouble.
Or, le 28 mars 2009, l’agence Reuters
nous apprend que « la Russie est favorable à une extension du
droit de tirage spécial (DTS) du Fonds monétaire international afin
qu'il inclue le rouble, le yuan et l'or. » Ceci est dans le
droit fil des propositions chinoises et confirmé par le Quotidien du
peuple du samedi 11 avril.
Certains parlent même d’élargir le
système à d’autres monnaies comme Arkadi Dvorkovitch, conseiller
économique au Kremlin. Il faut cependant rappeler que le
fonctionnement des droits de tirage spéciaux pose problème car il
va falloir fixer de nouvelle quotités des monnaies qui constituent
un DTS. Voici par exemple le panier de devises composant un DTS en
octobre 2005 (Wikipédia) : 0,5770 USD - 0,4260 EUR -
21,000 JPY - 0,0984 GBP.
Les quotités dépendent des
quote-parts des membres et vous l’avez deviné, les USA sont
majoritaires avec 16, 77% des voix. Que va-t-il se passer lorsque la
Russie et la Chine entreront dans le système ? Il faut rappeler
que de par son fonctionnement, le droit de tirage spécial favorise
celui qui fournit les liquidités et, je le rappelle, les USA
sont ruinés (ils devront fournir 100 milliards de dollar pour le
plan de relance du G20). La Chine devrait donc logiquement devenir un
acteur majeur de cet instrument monétaire.
De plus, il s’agit d’un crédit et
il faudra donc payer des intérêts. D’ailleurs, face aux besoins
croissants de liquidités et la défaillance prochaine de nombreux
états il est à craindre que le FMI ne laisse se développer les
droits de tirage de manière anarchique. De nouveaux emprunts
obligataires libellés en DTS apparaîtront, du crédit pour résoudre
la crise du crédit, ubuesque.
Ce
système est appelé à être provisoire et comme l’Ecu, monnaie
virtuelle qui s’est transformée en euro, nous aurons dans un
premier temps des monnaies continentales (Sucre, Acu, etc) qui
deviendront réelles pour, au final, être regroupées au sein d’une
monnaie unique mondiale dont
plusieurs noms circulent (Global, Phoenix, Terra).
Le
problème de l'Europe et donc de l'euro mérite, lui aussi, que l'on
se penche sur son cas.
De
nombreux économistes mettent actuellement l'accent sur les dangers
planant sur l'euro. Je rappelle que la BCE n'émet pas l'euro. Ce
sont les banques centrales nationales qui émettent la monnaie. Elles
contrôlent donc leur dette nationale. Le système de l'euro est en
effet instable (surtout en période de crise) à cause des
divergences économiques au sein des différents pays de l'union
européenne.
Le 3 février, l'économiste Jean Claude Werrebrouck
dans son article publié sur son blog a brillamment résumé la
situation :
«La solution serait, en Europe, de contourner la très
dangereuse divergence croissante des taux d'intérêt sur la dette
souveraine en mutualisant les risques. Ce contournement suppose la
création d'une agence commune d'émission faisant disparaître les «
spreads ». Mais cela suppose des stratégies de coopération
interétatiques aboutissants à des règles contraignantes pour les
Etats menacés de dépôt de bilan. »
A vrai dire, cette idée
n'est pas nouvelle et l'on peut d'ailleurs remonter à Erik Robert
Lindahl qui parlait dejà d'un trésor européen en 1930 et, en 1989,
Carlo Ciampi (banquier et 10ème président de la République
Italienne) avait fait une proposition qui désirait donner le
monopole de l'émission de l'euro à la BCE (proposition Ciampi).
Le
rapport Lamfalussy (2004) avait été plus précis et démontrait la
nécessité d'un régulateur unique. Un article récent de Bruegel
(think tank oeuvrant pour le développement économique de l'Europe)
parle ainsi de la création d'un régulateur financier unique en
Europe.
Or, l'urgence de la situation nous oblige à créer
une « structure de défaisance » nous permettant de racheter les
créances douteuses ce qui est pour le moment impossible car nous ne
possédons pas un trésor européen. Ceci est confirmé par Anton
Brender, chef économiste de la banque Dexia : « Il faut quelqu'un
qui achète les dettes, or, même à l'échelle de la zone euro, il
n'existe pas de Trésor commun. Voilà toute l'ambiguïté de l'Union
monétaire européenne. Elle est dotée d'une même monnaie, mais la
Banque centrale européenne ne dispose d'aucune autorité en matière
prudentielle vis-à-vis des banques ». Source: Le Figaro.fr du
24.09.08. Plus récemment, l'économiste Michel Aglietta a démontré
que le système de l'euro était fragile car il ne pouvait pas
(contrairement à la FED) se positionner comme prêteur central en
dernier ressort car la BCE n'émettait pas l'euro et possédait peu
de fonds propres.
Pourtant, la mise en place de ce trésor
européen a toujours été perçue comme politiquement irréalisable.
M. Maurice Blin avait ainsi souligné l'impossibilité de créer une
autorité internationale unique, chargée de la régulation
financière. Source : Sénat (rapport d'information du mercredi 22
mars 2000).
Mais, peu à peu, l'ampleur de la crise a modifié les
points de vue. Ainsi, Christian de Boissieu, Professeur d'économie à
l'Université de Paris I et Président du Conseil d'Analyse
économique auprès du Premier Ministre a ainsi déclaré :
« Du
point de vue de la gouvernance, cette crise est apparue comme un
nouveau défi pour une Europe en manque d'institutions politiques. »
Nicolas Sarkozy a par ailleurs, devant le Parlement de Strasbourg,
appelé, « à la lumière de la crise financière », à la création
d'un "gouvernement économique clairement identifié" dans
la zone euro, travaillant aux côtés de la Banque centrale
européenne. Source : Le Point.fr (21/10/2008).
On
entend ici où là des voix affirmant que l’Europe va imploser et
que la Grèce malgré l’adoption du plan d’austérité sera la
première à tomber, suivie de l’Espagne, du Portugal et de
l’Italie.
Cela ne se fera pas car tous les pays européens sont
interconnectés au sein d’un immense jeu de domino financier, de
dettes. En effet, la défaillance de l’un entraînerait
obligatoirement les autres dans leur chute.
Pour prouver ceci,
rien ne vaut un bon graphique (ci-dessous) qui démontre
l’interconnexion européenne des dettes.
De plus, de grandes banques européennes sont directement exposées
en Grèce comme le Crédit Agricole qui est d’après le Wall Street
Job Report la banque la plus touchée par la crise !
En août 2006, le Crédit Agricole avait en effet pris le contrôle
de 72% de la banque Emporiki ( troisième en nombre d’agence et
cinquième par les actifs en Grèce ) pour 2 milliards d’euros.
Emporiki avait ainsi, selon Reuters, généré une perte nette de
582,6 Millions d’Euros en 2009, de gros soucis à venir donc !
Selon les statistiques de la Banque des règlements
internationaux, en ajoutant l’Espagne et le Portugal, l’exposition
des banques françaises grimperait à 306 milliards de dollars, du
suicide si l’on abandonnait ces pays !
La seule solution réside donc dans la création d’une
« structure de défaisance » nous permettant de racheter
les créances douteuses, Une Agence Européenne du Trésor empruntant
au nom de l’Europe comme l'annonce Philippe
Chalmin Professeur d’économie à Paris Dauphine, membre du Conseil
d’analyse économique auprès du Premier Ministre le 8 mai 2010 :
« Aux souverainistes qui tentent de vendre leur soupe
anti-européenne à l’occasion de la crise financière, il faut
répondre qu’aujourd’hui il ne faut pas moins d’Europe mais
plus d’Europe. Dès le début, il a manqué à l’Europe, une
gouvernance politique et les outils qui vont avec pour faire de
l’Union européenne une entité efficace. L’Europe doit avoir son
propre budget, son propre impôt pour intervenir directement sur les
problèmes européens. Jean-Claude Trichet, le président de la
Banque centrale
européenne, fait ce qu’il peut mais par exemple, nous n’avons
toujours pas de secrétaire au Trésor européen. »
Source : journal
La dépêche du 05/08/2010 « Faut-il revenir au franc
? »
En
décembre 2010, Constance Le Grip (députée au parlement européen)
et Henri Plagnol (député du Val-de-Marne) ont rendu leur rapport
intitulé "Un chemin pour un pilotage économique européen".
Source : Rapport de l'Elysée sur la gouvernance économique
européenne.
On
y apprend que des
émissions
d'euro-obligation, les fameux eurobonds résoudront la crise de la
dette :"La création d'un Trésor
européen
chargé de gérer en commun les dettes souveraines des états
vertueux, serait un signal puissant pour les marchés en même temps
qu'une incitation forte à l'autodiscipline en matière budgétaire.
Les Etats remplissant les conditions pour bénéficier de ces
émissions constitueraient le fameux noyau dur qui manque aujourd'hui
pour garantir la cohésion de la zone euro. A moyen terme,
l'Eurogroupe doit parvenir à un consensus sur les conditions
préalables à l'émission
d'euro-obligations
qui permettraient de doter l'Union d'une réelle capacité d'emprunt
contribuant à l'indispensable relance économique par
l'investissement.
"
Le FESF, le Fonds
européen de stabilité financière
puis son remplaçant le MES, le fameux Mécanisme
européen de stabilité
disparaitront
bientôt au profit d'un FME, Fonds monétaire européen qui émettra
des euros-obligations et surtout deviendra le prêteur en dernier ressort.
Tout
va bien donc et pour résoudre la crise de la dette, on met en place
de nouvelles dettes qui
ne résoudront pas le problème clé du chômage.