jeudi 31 octobre 2013

7 questions/réponses sur l’économie américaine


Le shutdown d’octobre 2013, le blocage budgétaire qui a placé au chômage technique 800 000 fonctionnaires américains révèle l’état de délabrement des Etats-Unis dont l’économie est sous perfusion.
Cet événement suscite de nombreuses interrogations auxquelles il faut tenter de répondre.

1. Où en est la dette américaine ?

Pour répondre à cette question, il faut visualiser le problème.



Après la crise de 2008, les USA, pour survivre, ont commis l'irréparable : monétiser leur dette.

En effet, la Fed (la banque centrale US), le 18 mars 2009, le jour où le dollar est mort (avant de renaître), a décidé de racheter des bons du trésor (monétisation de sa dette), et, le 29 avril 2009, a confirmé qu'elle se portait acquéreuse de 1700 milliards de dollars (12,5% du PIB) de titres émis par le privé et d'obligations :

En 2009, la Fed a ainsi racheté 80% des bons du trésor U.S. Plus grave encore, pour limiter la casse, les USA ont mis en place de nouvelles normes comptables permettant de faire disparaître du bilan des banques les produits financiers qui posent problème (les CDS par exemple).
Aujourd’hui, la crise est loin d’être terminée et le gouvernement américain injecte de plus en plus d’argent dans l’économie, les fameux Quantitive Easing (QE 1,2 et 3) et le mur des 100% de dette a été franchi en mars 2012. Nous sommes ainsi passés de 85 milliards USD par mois en 2009 (QE1) à 104 en 2012 (QE2) puis 113 au premier trimestre 2013 (QE3), une vraie fuite en avant qui est sur le point de cesser. La dette du gouvernement fédéral a ainsi baissé de 33 milliards au second trimestre 2013) passant de 16 771 milliards de dollars à 16 738 milliards (2013, Q2). Tout le monde comprend mieux ainsi les causes du shutdown, la perfusion ayant été débranchée.


Il est extraordinaire de remarquer que presque tous les économistes et journalistes reprennent en cœur le chiffre de 85 milliards/mois qui date de 2009.
Heureusement, le nouveau calcul du PIB instauré en juillet transformant les investissements, c’est à dire les dépenses de R&D en capital a permis d’augmenter celui-ci et donc de baisser le ratio de la dette de plus de 2%.

2. L’économie américaine va-t-elle mieux ?

Oui et non.

Il faut là aussi visualiser le problème et commencer par le fardeau immobilier.


9,41% des crédits immobiliers n’étaient pas remboursés aux USA en avril 2013 ce qui met en danger l’ensemble du système financier américain. L’immobilier commercial ne décolle toujours pas comme l’illustre le graphique ci-dessous.


Malgré tout, les bénéfices des entreprises U.S. (après impôts) atteignent des sommets inégalés malgré la crise et dépassent aujourd’hui largement le PIB de l’Espagne et du Portugal réunis.

 
3. Le chômage américain baisse-t-il ?

Oui.
Il baisse car le taux de chômage est calculé par rapport à ceux qui perçoivent l’indemnité chômage. 


La plupart des Etats américains versent une allocation chômage (State Unemployment Insurance Benefits) pour une durée maximale de 26 semaines alors que la durée moyenne de chômage est de 37 semaines en janvier 2013. Les chômeurs disparaissent donc des statistiques.

4. Que deviennent les chômeurs disparus des statistiques ?

Ils alimentent le marché informel et nombreux sont ceux qui deviennent SDF.



New York, une des villes les plus riches des USA, illustre parfaitement la situation. Les statistiques du nombre de SDF concernant NY sont très fiables. Depuis 2011, le nombre d’enfants SDF explose avec 21 279 enfants SDF en juin 2013.



Plus grave encore, 20% des familles américaines avec enfants sont en insécurité alimentaire et 47 millions d’américains se nourrissent avec des bons alimentaires nommés food stamps. Il est d’ailleurs étrange que le système des EBT cards qui gère les bons alimentaires soit tombé en panne le week-end suivant le shutdown budgétaire provocant le chaos dans de nombreux magasins.


5. Les USA seront-ils frappés par une hyperinflation ?

Non.

Comme je l’ai déjà expliqué, la loi (loi de Fisher) permettant de mesurer l'inflation et la déflation est :
Masse monétaire x Vitesse de circulation = Prix x Quantité de marchandises

Lorsque l'on étudie les graphiques mesurant la Masse monétaire aux USA à l'aide des agrégats M1 (billets, pièces et dépôts à vue) et M2 (M1 + dépôts à termes inférieurs ou égaux à deux ans et dépôts assortis d'un préavis de remboursement inférieur ou égal à trois mois) , l'on ne peut qu'être convaincu, en apparence, de l'hyperinflation aux USA. Cependant, lorsque l'on étudie la Vitesse, le facteur Masse s'annule, car, la Vitesse de circulation s'effondre. Nous assistons donc à un processus de concentration de l'argent qui ne circule plus.



 
6. Est-ce la fin du dollar ?
 
Oui et non.

Les USA vont dévaluer lentement le dollar jusqu’à la prochaine grosse crise. Ils n’auront alors plus qu’une seule solution, l’union monétaire avec le Canada afin de créer un nouveau dollar fortement dévalué. L’union avec le Mexique dans le cadre de l’ALENA n’aurait lieu que plus tard. La création de la North American Union se ferait donc semble-t-il en deux temps.
Ne l’oublions pas, depuis le début de la crise les USA ont développé les échanges au sein de l'ALENA : +70% avec le Canada et +80% avec le Mexique. L'Interstate 35 (I-35) relie d’ailleurs les trois pays.



Avec l'ALENA, le PIB sera d’environ 20 000 milliards USD pour 460 millions d'habitants.

7. La puissance américaine sera-t-elle diminuée ?

Non, au contraire.

Les USA vont devenir les premiers producteurs mondiaux d’hydrocarbures et ce dès 2013 selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE)
De plus, avec la création du grand marché Transatlantique qui a débuté vendredi 18 octobre avec l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, l’économie américaine devrait connaître un fort développement.


En conclusion, les USA sont en pleine métamorphose et deviendront avec le Canada encore plus puissants.
Cependant, cette métamorphose a un prix, l’extrême paupérisation des populations ainsi que la lente destruction de la classe moyenne en contrepartie d’une concentration sans précédent du capital au sein de l’upper class. De plus, la catastrophe écologique générée par l’exploitation des sables bitumeux et des gaz et pétrole de schiste sera sans précédent. Le plus inquiétant est finalement de se poser la question de savoir si les gouvernements en place ont d’autres solutions de remplacement car le fonctionnement concurrentiel de l’économie impose des ajustements structurels qui favorisent la concentration de capital au détriment des peuples.
Cela remet donc en lumière les travaux du prix Nobel d’économie (1972) Kenneth Arrow qui dans sa thèse Social choice and individual values publiée en 1951 développa le paradoxe de Condorcet avec son fameux théorème d'impossibilité qui prit son nom.
Il démontra ainsi que les choix individuels ne peuvent définir l'intérêt général et que « l'aspect démocratique d'un État ne rend pas forcement légitimes ses décisions. »


2 commentaires:

  1. Tout cela est bien joli mais qu'en sera-t-il lorsque le peuple américain affamé et ruiné décidera que le jeu est fini ? Un système économique basé exclusivement sur de la dette (l'usure, si chère à une certaine caste) n'est-il pas un serpent qui se mord la queue et qui finit par se dévorer lui-même ? Ne voyez-vous pas que l'histoire se répète encore à cause de ce cancer qu'est l'usure ?

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  2. Bonne question à laquelle personne ne se presse de répondre. La vérité c'est qu'une minorité vivra et le grand reste sera out ! Déjà 50 millions d'américains avec des bons alimentaires, des populations abandonnés. Des villes en faillite, des infrastuctures et services publiques asphixiés et délabrés. Je vois pas à cela mène sinon à une révolte généralisée. Qu'avons nous a perdre si on est au plus bas de l'échelle à la rue. Les biens de la minorité peut très bien être attaquée et pour de bonnes raisons.

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