Entretien réalisé à Paris par Youcef Maallemi
Lors de votre intervention à la table ronde des experts
organisée par l’ONU à Rabat en mars 2014, vous avez annoncé que la
régulation bancaire dite Bâle III sera un échec et provoquera une
deuxième crise financière mondiale ? Comment en êtes-vous arrivé à cette
conclusion ?
J’ai en effet annoncé que Bâle III sera un échec et je m’appuie sur
les nombreux rapports et études provenant de sources irréfutables (BRI,
OCC, Comité de Bâle III, centre de recherche de la FED de St Louis, BAD,
FSB, ISDA, etc.). J’observe en effet avec attention l’évolution des travaux du
Comité de Bâle depuis quelques années. Pour commencer, je rappelle que
c’est l’hypothèse de l’efficience du marché selon laquelle les actifs
financiers sont voués à être valorisés à leur valeur intrinsèque qui a conduit à la suppression des contrôles réglementaires. Cette
hypothèse, à l’image du consensus de Washington a volé en éclat le 15
septembre 2008, date de la faillite de la banque Lehman Brothers marquant
le début de la crise systémique. Que l’on soit clair dès le début, la
régulation financière est une urgente nécessité et je suis un ardent
défenseur de Bâle III, mais force est de constater aujourd’hui son échec
bien qu’il ait résolu le problème le plus urgent. Bâle III a ainsi
permis de supprimer le risque d’effet domino d’une faillite d’une grande
institution en organisant le principe des chambres de compensation. Sur
ce point précis, il faut féliciter les experts du Comité qui ont fait
un travail remarquable. Cependant, le point qui n’a pas été résolu
concerne le fonctionnement de la finance actuelle, je pense en
particulier aux contrats sur produits dérivés et en particulier aux Credit Default Swaps
(CDS) qui permettent aux banques de ne plus assumer le risque de crédit
en privatisant les profits et en socialisant les pertes. Le Comité
aurait dû mette en place un processus dissuasif pour les comportements
dangereux. Le marché des CDS reposait à l’origine sur la couverture du
risque de crédit pour évoluer petit à petit vers une opportunité
exceptionnelle de faire de l’argent. En effet, le contrat de CDS est
comptabilisé hors-bilan et non financé ce qui permet aux assureurs de
pénétrer le marché du crédit traditionnellement réservé aux banques. On
comprend mieux ainsi le montant exorbitant de 123 milliards de dollar d’aide de la FED accordé à l’assureur American International Group (AIG) après
la crise de 2008,lui permettant de rembourser les banques qui avaient
transféré leurs risques de crédits immobiliers US. AIG détenait avant la
crise 1 600 milliards de dollars de CDS. C’est d’ailleurs le New York Times lui-même qui dévoila l’affaire en effectuant la liste détaillée des bénéficiaires du premier remboursement : Goldman Sachs (12,9 mds$), Merrill Lynch (6,8 mds$), Bank of America (5,2 mds $), Citigroup (2.3 mds $), Wachovia(1,5 mds $), Société Générale et Deutsche Bank (12 mds $ chacune), Barclays (8,5 mds$), UBS (5 mds$).
Le constat est clair, les dérivés de crédit entraînent une privatisation des profits et la socialisation des pertes puisque c’est le gouvernement fédéral américain qui a indirectement renfloué les banques. Pour mieux comprendre le casse-tête posé aux régulateurs, il faut faire un état des lieux précis que le public ne connaît pas. D’après la BRI, (Bank for International Settlements : la banque des banques), la valeur notionnelle des contrats de produits dérivés sur les marchés financiers internationaux est passée de 10 000 milliards de dollars en 1986 à 693 000 milliards de dollars fin juin 2013, neuf fois le PIB de la planète ! Plus inquiétant encore, ces contrats sont concentrés au sein de 16 organismes financiers. Markit iTraxx et CDX Markit ont ainsi un volume d’échanges qui dépassait 70 milliards de $ par jour en 2011 et qui ont négocié près de 50% du marché des dérivés. La question est donc de savoir comment réguler de tels montants. Le cas américain illustre à merveille l’ampleur du problème car quatre banques seulement concentrent 219 798 milliards de $ de contrats sur produits dérivés sur un total de 237 000 milliards de $. Les CDS aux USA sont quant à eux évalués à 10 961 milliards de dollars. En raison de l’ampleur de la crise, le nombre de banques est passé aux USA de 13 400 le 1er janvier 1988 à 5 814 au 1er novembre 2013, une concentration du secteur bancaire sans précédent ! Comme l’illustre le graphique ci-dessous et contrairement aux idées reçues, les volumes de ces contrats ont été très peu impactés par la crise et repartent même à la hausse depuis 2012.
Le constat est clair, les dérivés de crédit entraînent une privatisation des profits et la socialisation des pertes puisque c’est le gouvernement fédéral américain qui a indirectement renfloué les banques. Pour mieux comprendre le casse-tête posé aux régulateurs, il faut faire un état des lieux précis que le public ne connaît pas. D’après la BRI, (Bank for International Settlements : la banque des banques), la valeur notionnelle des contrats de produits dérivés sur les marchés financiers internationaux est passée de 10 000 milliards de dollars en 1986 à 693 000 milliards de dollars fin juin 2013, neuf fois le PIB de la planète ! Plus inquiétant encore, ces contrats sont concentrés au sein de 16 organismes financiers. Markit iTraxx et CDX Markit ont ainsi un volume d’échanges qui dépassait 70 milliards de $ par jour en 2011 et qui ont négocié près de 50% du marché des dérivés. La question est donc de savoir comment réguler de tels montants. Le cas américain illustre à merveille l’ampleur du problème car quatre banques seulement concentrent 219 798 milliards de $ de contrats sur produits dérivés sur un total de 237 000 milliards de $. Les CDS aux USA sont quant à eux évalués à 10 961 milliards de dollars. En raison de l’ampleur de la crise, le nombre de banques est passé aux USA de 13 400 le 1er janvier 1988 à 5 814 au 1er novembre 2013, une concentration du secteur bancaire sans précédent ! Comme l’illustre le graphique ci-dessous et contrairement aux idées reçues, les volumes de ces contrats ont été très peu impactés par la crise et repartent même à la hausse depuis 2012.
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