Le shutdown d’octobre 2013, le blocage budgétaire qui a placé au chômage technique 800 000 fonctionnaires américains révèle l’état de délabrement des Etats-Unis dont l’économie est sous perfusion.
Cet événement suscite
de nombreuses interrogations auxquelles il faut tenter de répondre.
1. Où en est la dette
américaine ?
Pour répondre à cette
question, il faut visualiser le problème.
Après la crise de
2008, les USA, pour survivre, ont commis l'irréparable : monétiser leur
dette.
En effet, la Fed (la banque centrale US), le 18 mars 2009, le jour où le dollar est mort (avant de renaître), a décidé de racheter des bons du trésor (monétisation de sa dette), et, le 29 avril 2009, a confirmé qu'elle se portait acquéreuse de 1700 milliards de dollars (12,5% du PIB) de titres émis par le privé et d'obligations :
En 2009, la Fed a
ainsi racheté 80% des bons du trésor U.S. Plus grave encore, pour limiter la
casse, les USA ont mis en place de nouvelles normes comptables permettant de faire
disparaître du bilan des banques les produits financiers qui posent problème
(les CDS par exemple).
Aujourd’hui, la crise
est loin d’être terminée et le gouvernement américain injecte de plus en plus
d’argent dans l’économie, les fameux Quantitive Easing (QE 1,2 et 3) et
le mur des 100% de dette a été franchi en mars 2012. Nous sommes ainsi passés
de 85 milliards USD par mois en 2009 (QE1) à 104 en 2012 (QE2) puis 113 au
premier trimestre 2013 (QE3), une vraie fuite en avant qui est sur le point de
cesser. La dette du gouvernement fédéral a ainsi baissé de 33 milliards au
second trimestre 2013) passant de 16 771 milliards de dollars à
16 738 milliards (2013, Q2). Tout le monde comprend mieux ainsi les causes
du shutdown, la perfusion ayant été débranchée.
Il est extraordinaire
de remarquer que presque tous les économistes et journalistes reprennent en cœur
le chiffre de 85 milliards/mois qui date de 2009.
Heureusement, le
nouveau calcul du PIB instauré en juillet transformant les investissements,
c’est à dire les dépenses de R&D en capital a permis d’augmenter celui-ci et
donc de baisser le ratio de la dette de plus de 2%.
2. L’économie
américaine va-t-elle mieux ?
Oui et non.
Il faut là aussi
visualiser le problème et commencer par le fardeau immobilier.
9,41% des crédits
immobiliers n’étaient pas remboursés aux USA en avril 2013 ce qui met en danger
l’ensemble du système financier américain. L’immobilier commercial ne décolle
toujours pas comme l’illustre le graphique ci-dessous.
Malgré tout, les
bénéfices des entreprises U.S. (après impôts) atteignent des sommets inégalés
malgré la crise et dépassent aujourd’hui largement le PIB de l’Espagne et du
Portugal réunis.
3.
Le chômage américain baisse-t-il ?
Oui.
Il baisse car le taux
de chômage est calculé par rapport à ceux qui perçoivent l’indemnité chômage.
La plupart des Etats
américains versent une allocation chômage (State Unemployment Insurance
Benefits) pour une durée maximale de 26 semaines alors que la durée moyenne
de chômage est de 37 semaines en janvier 2013. Les chômeurs
disparaissent donc des statistiques.
4.
Que deviennent les chômeurs disparus des statistiques ?
Ils alimentent le
marché informel et nombreux sont ceux qui deviennent SDF.
New York, une des
villes les plus riches des USA, illustre parfaitement la situation. Les
statistiques du nombre de SDF concernant NY sont très fiables. Depuis 2011, le
nombre d’enfants SDF explose avec 21 279 enfants SDF en juin 2013.
Plus grave encore,
20% des familles américaines avec enfants sont en insécurité alimentaire et 47
millions d’américains se nourrissent avec des bons alimentaires nommés food
stamps. Il est d’ailleurs étrange que le système des EBT cards qui gère les
bons alimentaires soit tombé en panne le week-end suivant le shutdown
budgétaire provocant le chaos dans de nombreux magasins.
5. Les USA seront-ils
frappés par une hyperinflation ?
Non.
Comme je l’ai déjà expliqué, la loi (loi de Fisher)
permettant de mesurer l'inflation et la déflation est :
Masse monétaire x Vitesse de circulation = Prix x Quantité
de marchandises
Lorsque l'on étudie les graphiques
mesurant la Masse monétaire aux USA à l'aide des agrégats M1 (billets, pièces
et dépôts à vue) et M2 (M1 + dépôts à termes inférieurs ou égaux à deux ans et
dépôts assortis d'un préavis de remboursement inférieur ou égal à trois mois) ,
l'on ne peut qu'être convaincu, en apparence, de l'hyperinflation aux USA.
Cependant, lorsque l'on étudie la Vitesse, le facteur Masse s'annule, car, la
Vitesse de circulation s'effondre. Nous assistons donc à un processus de
concentration de l'argent qui ne circule plus.
Oui
et non.
Les
USA vont dévaluer lentement le dollar jusqu’à la prochaine grosse crise. Ils
n’auront alors plus qu’une seule solution, l’union monétaire avec le Canada
afin de créer un nouveau dollar fortement dévalué. L’union avec le Mexique
dans le cadre de l’ALENA n’aurait lieu que plus tard. La création de la North
American Union se ferait donc semble-t-il en deux temps.
Ne l’oublions pas, depuis le début de la
crise les USA ont développé les échanges au sein de l'ALENA : +70% avec le
Canada et +80% avec le Mexique. L'Interstate 35 (I-35) relie d’ailleurs
les trois pays.
Avec l'ALENA, le PIB
sera d’environ 20 000 milliards USD pour 460 millions d'habitants.
7. La puissance américaine sera-t-elle
diminuée ?
Non, au contraire.
Les USA vont devenir les premiers producteurs
mondiaux d’hydrocarbures et ce dès 2013 selon l’Agence internationale de
l’énergie (AIE)
De plus, avec la
création du grand marché Transatlantique qui a débuté vendredi 18 octobre avec
l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, l’économie
américaine devrait connaître un fort développement.
En conclusion, les
USA sont en pleine métamorphose et deviendront avec le Canada encore plus
puissants.
Cependant,
cette métamorphose a un prix, l’extrême paupérisation des populations ainsi que
la lente destruction de la classe moyenne en contrepartie d’une concentration
sans précédent du capital au sein de l’upper class. De plus, la
catastrophe écologique générée par l’exploitation des sables bitumeux et des
gaz et pétrole de schiste sera sans précédent. Le plus inquiétant est
finalement de se poser la question de savoir si les gouvernements en place ont
d’autres solutions de remplacement car le fonctionnement concurrentiel de
l’économie impose des ajustements structurels qui favorisent la concentration
de capital au détriment des peuples.
Cela remet donc
en lumière les travaux du prix Nobel d’économie (1972) Kenneth Arrow qui
dans sa thèse Social choice and individual values publiée en 1951
développa le paradoxe de Condorcet avec son fameux théorème
d'impossibilité qui prit son nom.
Il démontra
ainsi que les choix individuels ne peuvent définir l'intérêt général et que
« l'aspect démocratique d'un État ne rend pas forcement légitimes ses décisions. »